Formation d'art-thérapie, cursus par correspondance.
PROFAC, Arles.
Stéphanie Carvalho-Périchaud.
Rapport de stage pratique Du 15 octobre 2008 au 30 juin 2009. Service de pédopsychiatrie du Bois Perrin Unité Antarès Rennes ( 35 ) |
Responsable de stage: Michel Jamet.
Remerciements:
Nous tenons à remercier tous les adolescents venus dans nos ateliers; pour tous les moments de partage, de rires et d'émotions.
Un grand merci à Claire Nicolas, art-thérapeute de l'AFRAPATEM, qui a continué à nous suivre, à nous écouter et nous conseiller.
Grands remerciements aux différentes co-thérapeutes, à toute l'équipe de l'unité Antarès ainsi qu'à Michel Jamet et Alexis Roubini qui nous ont accordé leur confiance et qui nous ont été d'une aide précieuse.
Table des matières:
Introduction. p.1
1ère partie:
Le service de pédopyschiatrie du Bois Perrin:
1- Présentation de l'unité Antarès et de son projet de soin. p.2
2- Les divers acteurs de l'unité Antarès. p.3
3- Entretiens autour de la pluridisciplinarité p.4
4- Quel est l'apport de l'art-thérapie: entretiens avec les membres de l'équipe. p.5
2ème partie:
L'adolescent en atelier d'art-thérapie:
1- De l'adolescence. p.7
2- Les pathologies rencontrées. p.7
3- Le projet art-thérapeutique: les média « expressions théâtrales »et« écriture ». p.8
4- Le déroulement des séances. p.9
5- Les réunions de synthèses. p.10
3ème partie:
Etudes de cas:
1- Le cas d'une prise en charge plus longue que les autres: Lilian. p.11
2- Cécile. p.12
3- Lucie. p.13
Conclusion. p.16
Annexes. p.17
Introduction:
Lors de notre précédent stage, nous avions élaboré un projet art-thérapeutique articulé autour du médium « récup'art », qui était alors le sujet de notre mémoire. Face à la problématique des prises en charge courte à groupe ouvert à laquelle nous avons du nous adapter, nous avions décidé de changer le sujet de notre mémoire afin de comprendre quelle peut être la place de l'art-thérapie dans un tel contexte de travail. Afin de confronter des médias différents, nous avons décidé d'utiliser le média « théâtre » pour ce nouveau stage. Au cours des mois passés au service de pédopsychiatrie, nous avons du ajuster le projet de départ et parfois nous adapter à des situations inattendues.
1ère partie:
Un service de pédopsychiatrie Du Bois Perrin:
1- Présentation de l'unité Antarès et de son projet de soin:
Le centre du Bois Perrin est un service de pédopsychiatrie attaché au CHGR ( Centre Hospitalier Guillaume Régnier). Nous avons effectué notre stage au sein de l'unité Antarès, accueillant les adolescents de moins de 16 ans pour une durée relativement courte ( habituellement de 3 à 6 semaines ).
Le projet de soin s'effectue en trois temps: le temps d'accueil, le temps groupal et le temps de remise en liens.
Le temps d'accueil:
Celui-ci commence par un entretien de pré-admission avec le médecin et un infirmier; il s'agit du premier contact avec la famille et le jeune. Suite à cette consultation, le jeune et sa famille sont accueillis par un infirmier qui leur présente l'unité et son fonctionnement. Une fois le jeune admis, un protocole d'accueil est élaboré. Celui-ci dure 2 jours au cours desquels, l'adolescent , dans un espace contenant et dans le cadre d'une relation privilégiée et individualisée avec les infirmiers, va pouvoir verbaliser, penser et mettre une distance avec sa problématique. Durant ce protocole d'accueil, un bilan somatique sera effectué ( bilan sanguin, ECG) ainsi qu'une évaluation psychologique. Un bilan scolaire sera proposé ainsi qu'un bilan complet par le pédiatre. Pendant ce temps, l'équipe pluridisciplinaire va définir des actions de soins.
Le temps groupal:
Après les deux jours de protocole, l'adolescent intègre le groupe et la vie institutionnelle. Les règles de la vie en société permettent l'institution d'un cadre thérapeutique contenant ( régularité, respect du groupe, des règles et des soignants). Le jeune va pouvoir aller à diverses activités ( balnéothérapie, école, cirque,...)
Le temps de remise en lien:
Il va de pair avec le temps groupal. Les visites des familles vont pouvoir avoir lieu; l'adolescent peut également être amené à passer le week end en famille. L'infirmier référent accompagne le jeune et sa famille lors de cette phase. Il arrive que cette remise en lien nécessite un partenariat étroit avec les CADS, les familles d'accueil ou encore les institutions éducatives ou médico-sociales.
Les objectifs:
la contenance ( contenir les angoisses de l'adolescent mais aussi de la famille, les passages à l'acte éventuels ainsi que l'agressivité de l'adolescent); la mise à distance par la verbalisation et l'élaboration psychique; remise en lien avec le réseau social ( famille, école..); assurer le relais pour la suite de la prise en charge.
2
2- Les divers acteurs de l'unité Antarès:
Nous avons interrogé plusieurs membres de l'équipe pluridisciplinaire de l'unité afin de mieux cerner le rôle de chacun.
Les psychologues:
Elles sont au nombre de deux. L'une est à mi-temps sur l'unité et travaille également dans deux autres unités du Bois Perrin. La deuxième psychologue travaille à 30% sur l'unité et anime également deux groupes de psychodrame. Elles ne voient pas les parents, mais uniquement les enfants. Mme T. voit les enfants au moins deux fois durant leur hospitalisation. Tandis que Mme B. voit chaque enfant 1 fois par semaine. Toutes deux soulignent que, dans ce type de prise en charge, leur travail est plus du domaine de l'évaluation et de l'observation que du domaine de la thérapie à proprement dite. Toutes deux participent aux réunions cliniques et institutionnelles qui ont lieu chaque semaine. La réunion clinique est centrée sur le patient, l'élaboration du projet de soins, l'indication d'orientation pour la post-hospitalisation. La réunion institutionnelle permet, quant à elle, une régulation d'équipe, une réactualisation des projets de soins, le maintien de médiations...En les interrogeant sur les limites de leur poste, toutes deux nous ont souligné le problème d'un travail tournant surtout autour de l'évaluation diagnostique et non du soin. Il a également été question de la difficulté, dans ce contexte, de faire naître le désir de psychothérapie.
L'interne:
Le but de l'internat est d'être formé afin de devenir psychiatre. L'interne doit faire un semestre dans différents services et il a obligation d'effectuer deux semestres en pédopsychiatrie. Les responsablités qui lui sont octroyées dépendent de l'avancée dans le cursus. Au sein de l'unité Antarès, il s'agit pour celui-ci de prendre en charge certains patients seul ou bien accompagné du chef. Il agit aussi sur le somatique. Il peut conduire des entretiens avec le patient et la famille seul ou bien en présence du médecin superviseur. Il fait également le lien avec les différents intervenants ( service socio-éducatifs, judiciaire) et est en interconnection avec les différents intervenants. L'interne est sous la supervision d'un médecin qui détermine le degré d'autonomie qu'il peut lui accorder.
Les infirmiers:
Nous n'avons eu le temps d'en interroger qu'un. Il travaille à plein temps de jour sur l'unité. Il participe à l'accueil, au suivi de l'hospitalisation ainsi qu'à l'organisation de la sortie du patient. Il dirige également des entretiens avec le patient. L'entretien de pré-admission permet d'évaluer la demande et le degré d'investissement de l'enfant dans les soins à venir. Il accompagne les patients dans diverses activités: le cirque, la balnéothérapie ainsi que l'informatique ( celle-ci se fait de façon informelle). Il a été plusieurs fois notre co-thérapeute lors des séances d'art-thérapie. Il souligne que l'infirmier est amené à travailler sur le médical ( traitement des troubles) mais qu'il récolte également des informations afin d'afiner la clinique du médecin ( travail d'observation). Il faut chercher l'alliance avec le patient. Pour lui la limite de son travail est imposé par l'adolescent, car c'est celui-ci qui fixe la limite. « Notre engagement s'arrête à l'engagement de l'enfant ». « C'est à nous de savoir jusqu'où on peut aller. ». 3
Le cadre:
Il s'occupe de toute la logistique: suivi des commandes ( hotellerie, immobilier, fournitures, travaux..) afin d'assurer la qualité de la prise en charge et la sécurité des patients. Il manage également l'équipe dans le sens du projet de soin et encadre l'équipe infirmière et l'ASH ( Agent Sanitaire et Hotelier). Il peut servir de tampon médiateur entre l'équipe et le médecin. Il y a aussi une dimension clinique du au parcours de celui-ci afin d'aider à la prise de distance: il est une oreille attentive pour l'équipe infirmière. Il participe aux diverses réunions des cadres: interne à l'unité, médecin/cadres, de l'établissement. Il encadre également les étudiants: art-thérapeutes, infirmiers, éducateurs..il peut de temps à autre déléger cette fonction à des infirmiers référents. Il gère également les plannings et l'absentéisme. Il transmet également les informations qui viennent de l'établissement. Les limites de son poste sont imposées par la réglementation du travail ou des protocoles. Il faut être capable, selon lui, d'apporter ses idées et d'impulser des réflexions collectives.
Les psychiatres:
Dr R. a un statut de chef de service et est également responsable de fédération. Il est en mi-temps clinique sur Antarès et en mi-temps institutionnel. Il est en relation avec les différentes instances: mileu socio-éducatif, instance judiciaire, la psychiatrie adulte, les structures privées et associatives. Il dirige les entretiens de pré-admission, de suivi. Il arrive qu'un entretien se fasse qu'avec les parents selon le contexte. Il y a aussi les entretiens individuels avec l'enfant. Pour lui, les limites de sa fonction sont imposées surtout par l'appréciation des projets au chef de service de l'intersecteur de la pédopsychiatrie. D'ailleurs, les différents chefs de service se réunissent 3 à 4 fois par an. Il n'y a pas assez de temps pour voir les patients. Il y a bien entendu la limite des moyens qu'on leur accorde ainsi que les nouvelles lois en vigueur. Il a pu , ceci dit, mettre en place le système des visites à domicile ainsi qu'un hôpital de jour depuis l'été dernier lors des fermetures avec une équipe relais ( mais aucun moyen supplémentaire n'a été octroyé pour ce projet).
Dr C. est praticien hospitalier psychiatre depuis 18 mois à Antarès. Elle est à temps plein sur Antarès. Elle s'occupe de l'évaluation et de la prise en charge des patients. C'est avec Dr R. qu'elle décide des indications d'hospitalisation. Elle prépare également les relais de suivi. Elle conduit également les entretiens avec les familles et en individuels avec l'enfant. Elle est représentante à la C.M.E. ( Commission Médicale d'Etablissement). Lorsque nous avons parlé des limites de son poste, il a été surtout question du manque de suivi thérapeutique. Ceci dit, pour elle c'est une autre façon de travailler ( elle travaillait précédemment en psychiatrie adulte à Fougères): « on va vers du direct. Il y a plus de rentre-dedans. »
3- Entretiens autour de la pluridisciplinarité:
Si tout le monde semble s'entendre pour dire que la pluridisciplinarité est importante dans leur travail, cela ne va pourtant pas de soi de travailler en équipe pluridisciplinaire. Pour une des psychologues interrogées, il est important que chacun garde son identité professionnelle propre et qu'il y ait une connsaissance partagée des dossiers. Mais se pose le problème de la clause de confidentialité. Que peut-on dire au reste de l'équipe? Elle parle de restitution orale avec l'équipe mais qui reste tout de même un peu censurée. Par contre, elle trouve intéressant de pouvoir confronter son regard et sa pratique à ceux des autres. Pour l'interne, on peut parfois se heurter à des conceptions différentes et cela peut tourner selon la personne soit à la confrontation soit à l'enrichissement. De plus, des courants de pensées peuvent s'opposer et il n'est pas simple dans ce cas de sortir de discussions pouvant se révéler interminables. 4
Pour certains, la pluridisciplinarité n'est pas vraiment présente, car beaucoup d'intervenants ne viennent pas aux réunions alors que leurs observations seraient intéressantes à croiser avec celles des autres professionnels présents. Pour l'infirmier, la pluridisciplinarité permet d'avoir un autre regard sur l'enfant ainsi que de collecter des informations diverses qui permettent de mieux cerner la personne. Cependant celle-ci doit être régulée dans des temps d'échange et de ligne commune. Le cadre de l'unité Antarès préfère parler de « pluriprofessionnalité ». En effet, la discipline est la psychiatrie au sein de laquelle se rencontrent diverses professions. Cette diversité est pour lui très importante pour construire un projet de soin résultant d'une réflexion collective. Pour le dr R., la psychiatrie étant transversale, elle est donc pluridisciplinaire. Il nous a semblé que dans sa position, il est probablement celui qui vit le plus la pluridisciplinarité. En effet, il est en relation avec les différentes instances extérieures au Bois Perrin ( justice, socio-éducation,conseil général..) ainsi qu'avec l'équipe interne au Bois Perrin.
Ce qui ressort tout particulièrement de ces entretiens est que chacun peut vivre différemment cette notion en fonction de son poste, de sa discipline également. Nonobstant, il est clair qu'il est important que chacun apporte, avec sa propre spécificité, un autre regard sur le patient afin d'afiner les observations et de mieux cerner la problématique de chaque patient.
4- L'apport de l'art-thérapie: entretien avec les membres de l'équipe:
Pour une des psychologues interrogées, cette pratique est intéressante dans le sens où la parole peut être compliquée pour l'adolescent. Elle favorise l'expression du sujet et amène celui-ci à donner à voir autre chose de lui-même. C'est aussi un espace préservé où surgissent créativité et surprise. L'art-thérapie, selon elle, est un espace transitionnel sans mise à nu.
5
Pour l'interne, ce fût quelque chose de complètement nouveau, car elle ne connaissait pas du tout l'art-thérapie. Elle souligne que par le jeu, le ludique, l'art, l'accès à l'imaginaire est plus aisé et qu'ils permettent à l'enfant de s'exprimer autrement. Par contre dans le contexte bien particulier d'Antarès, elle se pose la question de savoir si on peut parler d'art-thérapie, puisque pour elle c'est une thérapie au long court. Ce à quoi, nous répondons que l'art-thérapie diffère d'un activité occupationnelle de part ses objectifs. Ce n'est certes pas classique de pratiquer l'art-thérapie dans des conditions de prise en charge très courtes, mais le travail d'observation et d'évaluation que nous faisons, permet également d'afiner les observations des autres particiens. De plus, nous avons pu remarquer, et ce à quasi chaque séance, une prise de distance des patients, une prise de plaisir et un mieux être.
L'autre psychologue souligne que l'art-thérapie peut faire surgir chez les enfants des choses qui les surprennent ( nous en revenons donc à la surprise).
L'infirmier, pour sa part, pense l'art-thérapie comme un enrichissement sur une approche différente de l'enfant. Cela apporte un autre regard sur l'enfant. Par contre, il trouve le support « objet » plus confortable que les jeux de scène. « Par les jeux de scène, on arrive à quelque chose de dense mais cela est plus délicat à manipuler ». « On voit tout l'investissement des enfants. »
Pour le cadre de l'unité, l'art-thérapie est une ouverture, car elle est proposée par quelqu'un d'extérieur, qui fait partie de l'équipe mais qui ne vient qu'une fois par semaine. Cela offre un regard extérieur et différent. C'est un espace qui offre la possibilté aux patients d'être différents. C'est également un espace d'expression libre: expression des affects, distanciation de leur fonctionnement habituel, vision différente des choses. Le théâtre a été questionné par l'équipe car ce n'est pas une pratique habituelle. Pourtant, selon lui, c'est un espace d'expression utile et intéressant, car la mise en scène, le jeu font office de tiers. C'est très intéressant pour les jeunes adolescents qui ont du mal à faire du lien.
Pour le Dr C, l'art-thérapie représente un éclairage clinique différent. Elle confirme ou parfois donne une autre lecture du patient. Pour les enfants, cela peut être vécu comme une contrainte car elle donne une place particulière à celui-ci. Elle apporte du plaisir mais peut aussi être douloureuse.
Pour le Dr R., il s'agit d'une approche clinique complémentaire. Elle permet d'observer l'enfant différemment et de travailler sur sa problématique. Pour les enfants, c'est une possiblité de s'exprimer, de reprendre confiance en soi, de se réaffirmer et de se laisser aller.
6
2ème partie:
L'adolescent en art-thérapie:
1- De l'adolescence:
L'adolescence rime pour beaucoup avec crise. Mais plus q'une crise, c'est une transformation, une « mue » pour emprunter l'image de Françoise Dolto. Dans les sociétés traditionnelles, ce passage de la vie d'enfant à la vie d'adulte est marquée par des rites d'initiation. Mort initiatique et séparation symbolique d'avec la mère. Cela apporte aux adolescents un repère dans le temps et une rupture de leur isolement. Dans nos sociétés industrialisées, ces rites ont disparu et les jeunes sont mis face à eux-mêmes, à leur transformation sur laquelle les mots ne peuvent être posés.
Françoise Dolto illustre très bien ce qu'est l'adolescence avec son concept du « complexe du homard ». Il faut imaginer, tout comme les homards, que le jeune est en pleine mutation: le corps se transforme, des cicatrices peuvent s'y inscrire et rester indélibiles. Le jeune est entre deux périodes de la vie: mort de l'enfance et un devenir d'adulte, une re-naissance en quelque sorte, qui comme la première naissance ne se fait pas sans douleur, que celle-ci soit physique ou psychique. Il ne faut pas oublier qu'à cette période, l'adolescent revit un pan d' « éléments de la phase schizo-paranoïde ( position au cours de laquelle le nourrisson agit sur un mode de relation clivée bonne mère/mauvaise mère et d'objet partiel; suit ensuite la position dépressive au cours de laquelle apparaît la relation d'objet total; tout au long de la vie d'un individu, ces deux positions se succèderont). Il y a donc conflit, certes avec la famille, l'environnement socio-éducatif, mais aussi avec lui-même. Pris entre deux mondes, un qui s'éteint et un en devenir, l'adolescent cherche qui il est, comment composer avec ce nouveau corps qu'il perçoit mal et avec lequel il ne se sent pas à l'aise, comment faire avec sa nouvelle sexualité ( le jeune passe de l'auto-érotisme à l'hétéro-érotisme ). Le manque de valorisation , l'incompréhension auxquelles l'adolescent doit faire face ne font que le faire se replier sur lui-même. L'image de soi, l'image du corps sont remises en question. On comprend aisément que ce passage soit difficile, que l'adolescent puisse se réfugier dans l'agressivité, les effets de bande, la toxicomanie ,si l'entourage ( et nous ne parlons pas que des parents mais de tout l'environnement socio-éducatif) n'est pas « suffisamment bon », pour reprendre l'expression de Winnicott.
2- Les pathologies rencontrées et les problématiques qui s'en dégagent:
Comme nous l'avions souligné lors de notre précédent rapport de stage, il n'est pas posé de diagnostic psychiatrique. Il s'agit plutôt d'états transitoires. L'important étant de faire la différence entre bouleversement adolescent et pathologie.
Les situations les plus rencontrées au sein de l'unité Antarès:
-
Des syndrômes dépressifs ( vision péjorative de soi-même de l'avenir et du monde), mal-être au sein d'un contexte familial compliqué avec parfois expression de la part du patient de comportement incestueux ou violent. 7
-
Pathologies du lien: rupture scolaire, sociale et / ou familiale; mais aussi angoisse de la rupture, refus de séparation d'avec un ou les deux parents; troubles de l'attachement.
-
Troubles du comportement: manque de concentration, enfants rapides, hyperactifs.
-
Problématique sociale: délinquance, violence.
-
Débuts de troubles psychiatriques: troubles bipolaires ou maniaco-dépression ( ce sont des variations d'humeur hors proportions; le sujet, dans la phase maniaque, est euphorique, se pense tout-puissant, peut être irritable ou expansif et ce pendant au moins une semaine; puis vient la phase dépressive au cours de laquelle le sujet présente des idées morbides, des troubles du sommeil et de l'appétit et ce pendant environ deux semaines; il peut y avoir des périodes dites mixtes au cours desquelles le sujet va vivre les deux phases quasiment tous les jours).
-
Anorexie.
-
Conduites addictives: alcoolisme, toxicomanie.
Les problématiques inhérentes à ces différentes situations:
-
Une mésestime de soi/ Dévalorisation de soi.
-
Pas de prise de distance et donc pas de recentrage sur soi possible.
-
Manque de liens avec les autres et avec eux-mêmes.
-
Des difficultés à entrer en relation avec l'autre et avec soi-même.
-
Des problèmes de limites: corporelles, spatio-temporelles.
-
Difficultés à être en groupe avec angoisse de perte de l'identité, de l'individualité.
-
Une inhibition de l'imaginaire et du plaisir de jouer.
-
Une impression de vide et de vacuité, de transparence, de non-existence.
3- Le projet art-thérapeutique: les médias « expressions théâtrales » et « écriture »:
Notre idée de départ était d'utiliser les tecnhiques élaborées et améliorées par Augusto Boal. Nous n'avons pas utilisé que ces techniques, car tout au long de nos lectures, recherches, nous avons « pioché » dans bien d'autres techniques, notamment celles de Serge Minet, des stages de clown auxquels nous avons participé, ainsi que du site de dramaction. Nous pouvons dire que nous avons fait un dosage de toutes ces différentes techniques; nous avons été aménés à transformer certains exercices, nous en avons inventé d'autres également. Nous avons surtout travaillé sur l'improvisation, mais nous avons également introduit des textes, notamment certains contes tirés du livre « la triste fin de l'enfant huitre et autres histoires » de Tim Burton, la tirade du nez de « Cyrano de Bergerac » d'Edmond Rostand et enfin « contes à guérir, contes à grandir » de Jacques Salomé.
Nous avions pris le parti d'introduire l'écriture dans nos séances. Mais dans une forme bien particulière: le cadavre exquis. Le but était qu'à chaque séance, nous écrivions tous ensemble un texte, une saynette afin délaborer un recueil. Le cadavre exquis a été inventé vers 1925 par les surréalistes.
8
Ce jeu consiste à composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes sans que celles-ci ne puissent savoir ce que le précédent a écrit ou dessiné. Il y a plusieurs variantes de ce jeu, nous n'en avions retenu que deux mais trois techniques ont été utilisées:
-
Un enfant écrit une question, plie la feuille afin de cacher ce qu'il a écrit; le suivant répond à la question sans avoir aucune idée de ce qu'il lui est demandé.
-
Un enfant écrit une phrase, plie la feuille et commence une autre phrase; le suivant contine cette phrase, plie la feuille et commence une autre phrase, ect..
-
Un enfant écrit le sujet, l'autre le verbe, ect....
André Breton a dit au sujet du cadavre exquis: « ...On a enfin disposé d'un moyen infaillible de mettre l'esprit critique en vacances et de pleinement libérer l'activité métaphorique de l'esprit. »
Les objectifs:
Tout en s'amusant, l'expression théâtrale permet à l'adolescent:
-
de mieux maîtriser son corps ( expression corporelle).
-
De respecter le cadre scénique et art-thérapeutique et donc de retrouver les limites.
-
De respecter ses partenaires, et améliorer les troubles de la relation.
-
De lâcher-prise. Avec le cadavre exquis, par exemple, le fait de ne pas savoir ce qui a été écrit précédemment, on fait rentrer le hasard, donc la surprise. Le fait que ce soit écrit permet d'accèder plus facilement au lâcher-prise.
-
D'entrer en relation avec l'autre et avec soi-même. En effet, l'improvisation c'est la rencontre de deux personnages. Mais c'est aussi aller à la rencontre de soi. De plus, l'improvisation demande à être attentifs aux diverses informations véhiculées par l'autre, par soi-même, à tenir compte de ses ressentis et de celui de ses partenaires. C'est aussi la rencontre de deux imaginaires.
-
De retrouver confiance en soi.
-
De restaurer l'affectif, la communication verbale.
-
De recréer des liens.
-
De redécouvrir le plaisir de jouer.
-
De dédramatiser.
-
De développer l'imaginaire.
4- Le déroulement des séances:
-
Le temps d'accueil: présentation des différentes personnes, de l'art-thérapie, des règles ( respect de l'autre et de soi, écouter l'autre, pas de passage à l'acte, pas d'interférence lors des improvisations, respect du matériel mis à la disposition.).
-
Le temps d'expressions théâtrales: échauffement corporel, de la voix et de l'imaginaire, travail sur l'espace, la rythmique, les sensations, jeux en aveugles, des jeux de statues, grommelot, mimes, improvisations, travail sur des textes...
-
Le temps du cadavre exquis: élaboration à plusieurs, de courts textes ou courtes saynettes sur un thème choisi par les adolescents; lecture du texte à plusieurs. 9
-
Il est arrivé que nous fassions des cadavres exquis oraux.
-
Le temps de fin de séance: rangement du matériel, expression ou non des ressentis de la séance, salutations.
-
Le temps d'observations avec le co-thérapeute.
5- Les réunions de synthèses:
Avec l'art-thérapeute:
Nous avons gardé le même rythme de rencontres que l'année dernière: une fois per semaine pendant une à deux heures. Nous lui parlions de la séance précédente et de ce que nous souhaitions mettre en place pour la suivante. Celle-ci a pu nous aider à ajuster certains exercices que nous inventions ou que nous voulions adapter aux problématiques des jeunes dont nous nous occupions. Nous avons pu revenir avec elle sur l'expérience râtée d'une fin de prise en charge à la fin de mon stage ( nous en parlerons lors de la troisième partie). Nous avons eu par ailleurs un entretien à ce sujet avec le chef de service, le Dr R.
Avec l'équipe:
Les réunions ont eu lieu toutes les six semaines. Nous rédigions un rapport de synthèse sur les séances passées que nous transmettions à l'équipe en deux exemplaires. Nous discutions des observations faites au cours des séances passées, du bien-fondé d'une continuation de l'indication d'art-thérapie pour certains patients. Ces moments d'échange avec le reste de l'équipe ( infirmiers, psychologue, cadre, psychiatres, interne..) était précieux dans le sens où nous pouvions approfondir notre réflexion, confimer des traits de personnalité de certains patients ou créer la surprise et apporter un regard nouveau sur les patients, comme ce patient qui refusait d'écrire depuis des années et qui ne posait aucune opposition à le faire lors des séances d'art-thérapie. L'équipe a pu éclairer nos observations par les connaissances approfondies qu'ils avaient des jeunes et de leurs pathologies. Ces réunions nous ont également donné la possibilité de revenir sur des difficultés rencontrées
10
3ème partie:
Etudes de cas:
Averstissement: les prénoms utilisés sont inventés.
1- Un cas de prise en charge plus longue que les autres: Lilian:
Lilian est un adolescent de 14 ans, adressé pour troubles du comportement à l'école et au domicile familial: insultes, fugues, transgression du cadre éducatif avec majoration des troubles en janvier.
Lilian est venu toutes les semaines à partir de mi-avril et ce, jusqu'à la fin juin 09. Il est très enthousiaste et demande même à revenir.
Comportement:
On peut relever deux séances au cours desquels Lilian a été particulièrement débordant. Lors de la première séance, il ne respectait pas les autres adolescents présents, lorsqu'il était en position de spectateur: il intervenait dans leurs improvisations ou se moquait. Lors d'une autre séance, il s'est montré dissipé car il y avait la présence d'un autre jeune avec qui une sorte de jeu un peu sadique s'était installé: l'autre jeune ne cessait de lancer des piques sur les chambres à gaz, les nazis ( or, Lilian a des parents proches juifs); ce à quoi, lilian répondait avec une excitation sans borne, comme s'il se trouvait dans une phase maniaque.
Par contre, lors de toutes les autres séance, il s'est montré très respectueux du cadre, des autres jeunes et de leurs productions. Ce qui ne transparaissait pas forcément à l'extérieur de l'atelier d'art-thérapie d'ailleurs.
Estime de soi / confiance en soi:
Il se dévalorise facilement lors des premières séances. Il a besoin de beaucoup de réassurance. Il a parfois un grand souci de la performance. Il a donc fallu lui assurer que la performance artistique n'était pas le but de nos séances; mais bien l'expression libre. Pour cela, le temps d'accueil au cours duquel nous donnons les règles du cadre art-thérapeutique était aussi l'occasion de réitérer le fait que nous ne demandions à aucun d'eux de nous montrer des performances d'acteur ou d'écrivains. Le fait, qu'à la fin des improvisations, le groupe applaudisse et bien souvent face des compliments spontanés ont permis à Lilian de reprendre confiance en lui petit à petit.
Recréer du lien/ Relation à l'autre:
S'il a pu au fil des séances être en relation avec les autres et créer des liens avec ceux-ci , il nous semble qu'il n'en est pas forcément de même avec lui-même. En effet, plusieurs fois, nous avons pu constater la difficulté pour celui-ci de sortir des personnages qu'ils créaient lors des improvisations ou l'impossiblité qu'il avait de jouer son propre rôle ( ce que nous entendons par là, c'est que lorsqu'il n'avait pas besoin d'être un personnage, qu'il devait être lui-même, il n'y parvenait pas ). Il semble que cette tendance se remarque également en dehors de nos ateliers. Il est intéressant de voir que les personnages qu'il prend sont souvent des super-héros qui ne sauvent personne à part lui-même; ce qui laisse supposer que Lilian cherche à se sauver mais que lui ne pouvant pas le faire, c'est un Lilian Super Héros qui apparaît et dont il a du mal à se départir. Pour pallier ce phénomène, nous avons travaillé sur des textes ( Tim Burton, Jacques Salomé et Edmond de Rostand). Ce qui a créé une grande surprise chez lui, car lors de la sixième séance, lors du temps d'accueil, il demande à jouer à partir d'un texte. Or c'est ce que nous avions prévu pour cette séance. Ceci lui a permis de ne pas rester enfermé dans un rôle, mais de réussir à sortir de l'aire de jeu et de revenir à l' « aire de réalité ». 11
Expression d'émotions, d'affects:
Il est très théâtral et maniéré dans sa façon de jouer: avec des gestes très « théâtre antique » , très surjoués, donc pas naturels. Les émotions éxprimées sont en inadéquation avec le contexte ou avec le texte proposé. Il donne souvent l'impression de « bouillir » intérieurement, d'être dans un chaos de ressentis inassemblables qui peuvent le faire exploser à tout moment, mais qu'il tente de contenir tant bien que mal.
Imaginaire/Création:
S'il semble très à l'aise dans les improvisations, nous avons pu constater que ses jeux restent très plaqués à du réel ( dessin animés, films, séries ). Lors de jeux où nous avons introduit la musique, nous avons constaté qu'il était bon interprète mais qu'il ne créait pas, restant là encore très plaqué.
Lâcher-prise/Prise de distance/ Plaisir de jouer:
Lilian a souvent du mal à être dans le présent. Ceci dit, il parvient tout de même à se détendre au fil de la séance et ainsi à prendre un peu de distance. Il prend plaisir à jouer, à improviser et à écrire ( alors même qu'il n'a pas rendu d'écrit à l'école depuis des années). Il a quelques fois réussi à lâcher prise, notamment lors de la séance centrée sur l'auto-dérision.
Pour conclure:
Nous avons pu établir une relation de confiance avec Lilian qui prenait un réel plaisir à venir aux séances. Il a pu trouver un espace contenant et suffisamment sécurisant. Il est parvenu à entrer en relation avec les autres adolescents présents tout en les respectant. Le fait qu'il parvienne à écrire dans nos ateliers montre que ,dans un cadre où le souci de performance est absent, où la réassurance et la confiance sont bien installées, le jeune peut se laisser aller à la création.
Nous souhaitons revenir sur ce qui fût sa dernière séance. Nous souhaitions le préparer à la fin de sa prise en charge en art-thérapie. Nous pensions avoir une dernière séance avec Lilian après celle-ci mais ce ne fût pas le cas. Nous avions donc décidé de lui annoncer la fin de sa prise en charge pour la semaine d'après. C'était la fin de la séance. Nous avons demandé à Lilian de rester un peu, car nous devions discuter avec lui. Les autres jeunes s'en vont, le co-thérapeute également. Il pense automtiquement qu'il a fait quelque chose de mal. Nous lui expliquons qu'il n'en est rien, mais que nous devons l'informer que la séance prochaine sera sa dernière séance d'art-thérapie. Nous le voyons se décomposer. Et, nous, nous sommes pris au dépourvu. Nous nous sentons de plus en plus mal à l'aise. Nous avons eu du mal à sortir de ce malaise et à nous reprendre. Nous lui avons expliqué que nous avions terminé notre stage et que nous avions été content de travailler avec lui. Ce à quoi il nous répond « ouais, cétait chouette pour moi aussi. » Nous avons pu en reparler avec l'art-thérapeute, puis avec le chef de service. Il en est ressorti que: nous aurions du plus anticiper la situation, que la présence d'un tiers ( infirmier ou cadre) aurait pu faciliter cet instant ( car il aurait pu faire une reprise lors de ce blanc après l'annonce de fin de prise en charge), que nous aurions du en parler avec l'équipe afin de mieux préparer et se préparer à cet instant difficile.
2- Le cas de Cécile:
Cécile est adressée au centre du Bois Perrin pour hyperphagie ( boulimie sans vomissements), troubles du sommeil ( cauchemards, insomnies) et idées suicidaires.
Cécile est venue à 4 séances, mais il y a eu un laps de presque trois semaines entre sa première séance et la suivante. 12
Comportement:
Elle se montre d'emblée très respectueuse du cadre et des autres. Par contre, sur scène, elle fait des improvisations très physiques qui peut aller jusqu'à malmener un peu son partenaire, d'où des quelques passages à l'acte lors de la première séance: attrape le bras du partenaire, le pousse. Lors des trois autres séances, on peut voir une évolution très nette: ses improvisations sont plus posées et lorsqu'elles deviennent plus physiques, elle ne passe plus à l'acte.
Estime de soi/Confiance en soi:
Si elle semble d'emblée très confiante et sûre d'elle, certains exercices d'improvisations nous révélerons son manque total d'estime pour elle-même. Lors du jeu de clown « je suis... », elle nous dit qu'elle « est une poubelle, une crotte de nez, une merde »....Ceci dit, Cécile a suffisamment confiance dans le cadre art-thérapeutique pour improviser et ce malgré le regard de l'autre ou un partenaire peu agréable avec elle. Elle prend sur elle pour jouer et dépasser son manque d'estime de soi et de confiance en soi.
Recréer des liens/Relation à l'autre:
Elle cherche la communication à tout prix. Dans tous les exercices ayant pour thème « la rencontre » ou « la communication » malgré des obstacles, elle pousse la recherche de communication à l'extrême: elle abat le mur qui la sépare à coup de marteaux piqueurs, puis de burin. Un tel besoin de communiquer, d'être avec l'autre,de créer du lien laisse supposer une lourde carence à ce niveau-là.
Expression d'émotions, d'affects:
Cécile est très expressive et parvient à jouer tous les registres des émotions qu'elle vit avec tout son corps. Elle utilise aussi bien le langage corporel que le langage verbal.
Imaginaire/Création:
Elle a un imaginaire très prolifique. Elle propose des thèmes d'improvisation et les joue. Elle est très à l'aise dans l'improvisation et dans l'écriture. Elle passe de façon adaptée du champ de l'imaginaire au champ de la réalité.
Lâcher-prise/Prise de distance/Plaisir à jouer:
Dans beaucoup d'improvisations, elle a joué sa propre problématique pouvant ainsi exprimer sa colère, sa tristesse, son désarroi, et par là même prendre une distance par rapport à celle-ci. Elle exprime tout cela avec une telle force que l'on peut vraiment parler de lâche-prise. De plus, elle a exprimé à chaque fin de séance, le plaisir qu'elle a eu à jouer et écrire.
Pour conclure:
Cécile a pu déposer dans notre atelier d'art-thérapie toute la souffrance de sa situation; elle a pu l'exprimer librement avec son corps et sa voix. Il est probable qu'avec quelques séances en plus, nous aurions pu agir sur son manque de confiance et d'estime. Il est certain au vu de ses séances que le médium « expression théâtrale » était tout à fait adapté.
3- Le cas de Lucie:
Elle a été adressée au centre du Bois Perrin par sa mère et une éducatrice de l'APASE ( Association Pour l'Action Sociale et Educative) pour des troubles du sommeil, des angoisses et une déscolarisation.
13
Nous avons vu Lucie lors de trois séances qui étaient chacune espacée de trois semaines. Nous allons aborder cette prise en charge de manière différente des deux autres, car cela fût vraiment très différent de toutes les prises en charge que nous avons faites jusqu'à présent.
1ère séance:
Lors de cette première séance, Lucie a surtout ri, mais d'un rire de défense, très nerveux. Elle aura passé presque toute la séance à s'excuser, comme si sa présence devait obligatoirement nous gêner. Ce qui laisse penser qu'elle a un manque de confiance et d'estime de soi. Elle finit par accepter de jouer une improvisation, toujous entrecoupée de rires, dans laquelle est un militaire nazi. Le thème du militaire revient dans l'écriture en cadavre exquis. Elle se montrera particulièrement crue dans ses propos écrits ( viols en tout genre, tapette, jouets sexuels...).Pendant qu'elle écrit, elle nous regarde et nous dit dans un rire gêné que vraiment c'est très cru. Nous lui avons expliqué que nous n'étions pas là pour juger mais pour qu'elle puisse s'exprimer librement. En fin de séance, elle s'excuse de nouveau pour nous demander si nous serions offusquées si elle exprimait son souhait de ne pas revenir. On a l'impression que son opinion ne vaut pas assez pour ne pas être dite sans excuses préalables. Bien entendu, nous l'avons rassurée à ce sujet.
2ème séance:
Cette séance ne fût pas une séance d'art-thérapie. Cela ressemblait plutôt à un entretien infirmier. Mais toutes les séances ne sont pas forcément de l'art-thérapie. Il faut parfois du temps pour qu'une relation de confiance puisse s'installer et qu'un désir de créer s'installe. Elle ne souhaitait rien faire d'autre que parler. Nous l'avons laisser faire, car elle semblait complètement parasitée par un événement important: une audience devant le juge. Ses propos sont parfois décousus. Elle semble ne plus pouvoir penser à autre chose et semble paralysée dans tout son corps et son mental par des idées fixes qu'elle ne cesse de ressasser. Nous parvenons à détourner la discussion sur les mangas, car nous savons qu'elle a une passion pour ce type de littérature. Elle nous a parlé de ses angoisses, de ses carences affectives et semble avoir des exigences démesurées pour elle-même ( « je n'ai rien fait de brillant de ma vie »..) . Elle nous parle de ce qu'elle perçoit comme une grande perversion et veut nous inclure dans cet auto-diagnostic: « mais vous, vous savez que je suis perverse. Vous avez lu ce que j'ai écrit! ». Non, nous ne savons pas, d'ailleurs nous ne sommes pas là pour diagnostiquer ou infirmer sa « perversion ». A la fin de la séance, elle était de nouveau tendue.
Cette séance a été vraiment éprouvante. Nous avons de temps à autre tenté de saisir une occasion pour la faire entrer dans la création, masi rien n'y a fait même nos propostions de jouer à sa place et qu'elle rectifie notre jeu comme un metteur en scène. Elle avait besoin d'une écoute. Alors tant pis, si cette séance n'était pas de l'art-thérapie, elle a pu exprimer verbalement une partie des angoisses qui la tenaillaient à cet instant.
3ème séance:
Lucie ne veut pas venir à l'atelier d'art-thérapie mais elle monte avec nous tout de même. Elle dit qu'elle se sent mal, qu'elle a mal au ventre. Elle refusera toute implication dans cette séance. Elle refuse toutes les propositions de jeux et d'écriture. Ceci dit, elle est présente: elle regarde, s'intéresse à ce que font les autres jeunes. Elle rit et sourit lors des improvisations des autres adolescents. Elle les a même aidés à trouvé une solution à une problématique que nous leur avions posée.A la fin de la séance, elle nous dit, qu'elle ne va pas bien parce qu'elle reste à Antarès ce week end. Nous la regardons et nous lui répondons: « AH! D'où le mal de ventre? ». Elle est surprise et nous répond qu'elle ne fait pas semblant. Ce à quoi, nous répliquons qu'à aucun moment nous avons sous entendu qu'elle faisait semblant. 14
Encore un effet de surprise pour elle qui finit par sourire en nous saluant et en nous remerciant.
Pour conclure:
C'était vraiment une prise en charge différente: de part, l'espacement entre chaque séance (presque trois semaines entre chaque séance); par le contenu des séances et les effets de surprise que l'une d'entre elle a pu provoquer.
Conclusion:
Dans le contexte des prises en charge courtes à groupe ouvert, il s'est avéré important que nous puissions nous adapter rapidement aux différentes situations vécues par les adolescents afin de leur proposer des jeux ou des médias en adéquation avec leurs problématiques. Il nous est arrivé assez souvent de changer complètement le programme que nous avions préparé pour offrir une meilleure prise en charge aux adolescents dont nous nous occupions. Il est également apparu qu'il était vraiment important de pouvoir proposer des médias variés. Lors de certaines séances, nous avons privilégié l'écriture plus que l'expression théâtrale. Nous avons introduit des instruments de musique lorsqu'il nous a semblé que cela pouvait permettre à des adolescents de s'exprimer par ce biais.
La question de la temporalité est cruciale puisque nous sommes souvent amenés à ne voir les adolescents qu'une fois ou alors de mainère sporadique ( comme Lucie, par exemple ). Dans ces conditions, qu'elle est la place de l'art-thérapie? Nous tenterons de donner une réponse à cette question dans notre mémoire de fin d'étude.
Annexes:
Augusto Boal:
Il est né le 16 mars 1931 à Rio de Janeiro et est mort le 02 mai 2009. Ecrivain, dramaturge, metteur en scène, théoricien de théâtre et homme politique brésilien, il a fondé en 1956 le théâtre Arena de Sao Polo. Il développe des concepts tel que celui de spect-acteur dans un style de théâtre de rue contestataire et populaire. Il publie en 1971 « le théâtre de l'opprimé », mais il est arrêté et torturé la même année. Il est contraint à l'exil et part à Paris où il poursuit son travail. Il retourne au brésil en 1986 où il met en pratique le « théâtre forum » et le « théâtre image ». Il s'intéresse au théâtre thérapeutique et publie « l'arc-en-ciel » du désir » en 2002.
Les textes choisis de Tim Burton:
Tim Burton:
On connaît surtout Tim Burton pour ses films ( Sleepy hollow, Big Fish, Edward aux mains d'argent, Charlie et la chocolatrie ou encore Sweeney Todd..) Mais en 1997, il publie un recueil de poèmes intitulé « la triste fin de l'enfant huitre et autres histoires ». On y trouve des enfants très étranges: un enfant-robot, un enfant-tâche, l'enfant-brie ou encore la fille qui fixait, fixait, fixait.
Toutes les histoires ou presque se terminent par la mort du protagoniste. Pourtant loin d'être triste, ce livre est drôle et très touchant.
Bibliographie:
« Jeux pour acteurs et non acteurs », Augusto Boal.
« Le théâtre de l'opprimé », Augusto Boal.
« La triste fin de l'enfant huitre et autres histoires », Tim Burton.
« Contes à guérir, contes à grandir », Jacques Salomé.
« Cyrano de Bergerac », Edmond de Rostand.
« Du divan à la scène, dans quelle pièce je joue? », Serge Minet.
« Soigner l'adolescent en art-thérapie », Jean-Luc Sudres.
« Créativité et art-thérapie en psychiatrie », P. Moron, J-L. Sudres, G. Roux.
« Quand l'inaccessible est toile », J-P. Royol.
Www.dramaction.com
www.planetarim.com
www.xavier.claudet.free.fr/psyado.htm
www.wikipedia.fr
20