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2 avril 2009 4 02 /04 /avril /2009 19:14
 

Journal de bord:

Le self, le faux-self et le self héroïque:


Le self et le faux-self étant indissocialbles, nous les aborderons dans un même premier paragraphe. Nous nous pencherons ensuite sur une notion que nous avons découverte en faisant nos recherches sur le self et le faux-self: le Self héroïque de Riccardo Steiner.


Le self et le faux-self:

L'apparition du Self et du faux-self est étroitement liée aux différentes notions exposées et élaborées par Winnicott. Comme pour l'instauration d'un Moi unifié, l'instauration du Self et du faux-self dépend de la capacité de la mère à être suffisamment bonne. Le Holding, le handling et l'objetc-presenting sont donc fondamentaux dans cette étude.

Le holding désigne le soutien de la mère, soit les soins quotidiens adaptés aux besoins de l'enfant. Celui-ci permet l'intégration du Moi unifié.

Le handling désigne la manière dont la mère tient ou plutôt maintient l'enfant, dont elle le soigne, le traite et le manipule.

La mère « suffisamment bonne » protège son enfant des intrusions ou des manquements de l'environnement.

L'objetc-presenting est le fait que la mère propose à son enfant l'objet du besoin, alors même que celui-ci s'apprête à le créer pour satisfaire ses besoins.

Au début de la vie, le nourrisson a besoin que la mère s'adapte activement à ses besoins.Il doit vivre l'expérience de l'illusion ( « illusion que ce qu'il crée existe vraiment », Jeu et réalité, D.W. Winnicott) et l'omnipotence pour établir une relation avec les objets extérieurs. La mère, de par le contact physique et l'harmonisation empathique, permet le début de l'individuation. L'enfant éprouve la continuité de l'existence grâce à la continuité des soins de la mère. Ceci dit, cette adaptation et cette expérience de l'illusion ne doit pas perdurer: la mère doit de moins en moins faire sentir son adaptation afin que l'enfant puisse bénéficer de l'expérience de la frustration; celle-ci pouvant rendre les objets réels et donc haïs et aimés. L'enfant va alors progresivement abandonné la toute-puissance et reconnaît la réalité avec ce qu'elle « suppose de spontanéité et d'authenticité »: le vrai self.

Dans « Processus de maturation de l'enfant », Winnicott souligne: « le mot « self » apparaît quand l'enfant a commencé à se servir de l'entendement pour observer ce que les autres voient, éprouvent ou entendent, et ce qu'ils se représentent lorsqu'ils sont en présence de son petit corps ». Si nous reprenons les différentes tendances du développement du Moi, telles qu'elle sont conçues par Winnicott, nous pouvons nous apercevoir de l'intrication entre celui-ci, le holding/handling/object-presenting et la formation du Self:

La tendance principale est l'intégarion: du temps et de l'espace. Cette tendance correspondrait selon lui au holding. Ici s'établit un self unitaire. « La mère qui apporte une protection du moi suffisamment bonne ( quant aux angoisses inimaginables: se morceler, ne pas cesser de tomber, ne pas avoir de relation avec son sorps, ne pas avoir d'orientation) permet à l'être humain nouvellement créé d'édifier une personnalité sur me mode de la continuité de l'existence ». L'autre tendance est la personnalisation: le Moi se fonde sur un Moi corporel. Si tout se passe bien, le nourrisson commence à se rattacher au corps et aux fonctions de celui-ci. La peau est alors la membrane-frontière entre le Moi et le Non-Moi. Le Self est une unité qui est à la fois physiquement contenue à l'intérieur de la peau et psychologiquement intégrée.

Le vrai self, « au stade le plus primitif, est la position théorique d'où provient le geste spontané et l'idée personnelle. Le geste spontané est le vrai self en action. Seul le vrai self peut être créateur et peut être ressenti comme réel. » Si seul le vrai self est créateur, on peut supposer que celui-ci est en relation avec l'espace potentiel et les phénomènes transitionnels winnicottien. En effet, le vrai self est le seul à pouvoir faire l'expérience de l'espace potentiel et des phénomènes transitionnels qui sont le siège de la créativité. Le self permet aussi d'avoir accès à la symbolisation ( utilisation du symbole). Nous allons nous risquer à un autre postulat par rapport à ce qui vient juste d'être dit: le self n'est-il pas en rapport avec le Réel de Lacan? Le Réel de Lacan est le siège de la créativité, de la création: donc,nous pourrions tout à fait imaginer que le self est une partie du Réel lacanien, d'autant que « ...il y a un noyau de la personnalité qui correspond au vrai self. Ce noyau ne communique jamais avec le monde des objets perçus et l'individu sait qu'il ne doit pas entrer en communication avec lui ni qu'il doit être influencé par la réalité extérieur ». Tout comme le Réel lacanien, le self a quelque chose de l'indicible, de l' « inattrapable ».

Maintenant, nous allons voir ce qu'il se passe lorsque les conditions ne sont pas favorables. C'est à dire lorsque la mère, l'environnement ne sont pas suffisamment bons. Mais ne nous y trompons pas: avoir un faux self ne relève pas systématiquement de la pathologie comme nous le verrrons. Si la mère ne répond pas de façon adéquate au besoin de l'enfant , l'enfant peut s'y adapter jusqu'à un certain point en comblant le manque par l'hallucination. Mais ce mécanisme finit par échouer et l'enfant perd contact avec ses besoins, devient victime d'intrusions et incapable d'usage symbolique. C'est à ce moment qu'il va développer un faux-self afin de protèger son vrai self de la désintégration, de l'anéantissement. Le faux-self est donc un système de défense: il dissimule et protège le vrai self. Winnicott compte plusieurs gradations qui vont « jusqu'à une pathologie de type schizoïde où le faus-self est instauré comme étant la seule réalité venant ainsi signifié l'absence de vrai self ». Voici les 5 garations soulignées par Winnicott:

« 1- A l'extrême, le faux self est établi comme réel et c'est lui que les onservateurs ont tendance à prendre pour la personnalité réelle. Cependant dans les relations de la vie quotidienne, celle du travail et des amitiés, le faux self commence à faire défaut. Ici le vrai self est dissimulé.

2- Le faux self défens le self authentique. Le vrai self est toutefois perçu comme virtuel et une vie secrète lui est permise. C'est l'exemple le plus clair d'une maladie clinique organisée dans un but positif: la préservation de l'individu en dépit des conditions anormales de l'environnment.

3- Le faux self a pour but principal la quête des conditions qui donnent au vrai self la possibilté de recouvrer son bien. Si ces conditions ne peuvent être trouvées, alors il faut que se réorgansie une nouvelle défense contre l'exploitation du vrai self. Que le doute intervienne et le résultat clinique est le suicide. Dans ce contexte, le suicide est la destruction du self total pour éviter l'anéantissement du vrai self.

4- Le faux self s'établit sur la base d'identifications.

5- Dans l'état de santé: le faux self est représenté par toute l'organisation que constitue l'attitude sociale polie, de bonnes manières et une certaine réserve. Une grande partie du faux self est passée dans l'aptitude individuelle à renoncer à l'omnipotence et aux processus primaire en général, avec pour bénéfice la place dans la société que le vrai self ne peut jamais atteindre et maintenir seul. »

Avec cette dernière assertion, nous pouvons voir que dans chaque self total se trouve le vrai self et le faux self; ce dernier nous permettant d'avoir notre place dans la société et d' y être intégré.

Après lecture de ces différentes gradations du faux-self, nous ne pouvons ne pas faire le parallèle avec la seconde peau d' Esther Bick. Pour elle, lorsque les conditions sont défavorables, il peut y avoir formation d'une seconde peau, « une prothèse substitutive, ersatz musculaire qui remplace la dépendance nromale vis-à-vis de l'objet contenant par une pseudo-indépendance. » Mais plus encore, c'est sa conception de l'état « sac de pommes » qui nous interpelle et fait un écho à la conception du faux self: « il s'agit des fruits dont la peau est fine et fragile et qui symbolisent couramment le sein: ce sac figure l'intérieur de Soi tel que le protège et le cache la seonde peau; celle-ci contient les parties psychiques meutries, séquelles d'une période archaïque de troubles du nourrissage; dans cet état, le patient est susceptible, inquiet, réclamant attention et éloges, redoutant catastrophe et effondrement »).

Le sujet qui développe un faux-self , ou une personnalité d'emprunt, est empli de l'impression d'inutilité,de vide et de néant et d'inutilité de la vie. Ce qui nous amène à penser que le développement du faux self provient d'une rupture de la continuité de la vie ( going on being); ce qui peut amener le sujet jusqu'au repli autistique; ce qui peut faire penser à l'élaboration d'un Moi-peau carapace tel que le conçoit Didier Anzieu.

Le sujet ayant une personnalité en faux self ne crée pas, il imite et se soumet à l'environnement. Nous ne connaissons pas les personnalités en faux self, mais nous pouvons supposer qu'en atelier d'art-thérapie nous serions face à un patient se soumettant à nos demandes sans pour autant ressentir la création ni l'habiter. De plus, si nous nous référons à ce qui vient dêtre dit, une personnalité en faux self n'accède pas à la symbolisation. Or nous tentons de permettre à nos patients de s'expimer symboliquement par un média tel que les arts plastiques par exemple. La création faisant figure d'objet transitionnel, objet par qui la symbolisation et l'imagination et le jeu peuvent entrer en action, nous pouvons penser que l'art-thérapie peut aider ces personnalités à inflêchir leur faux self et d'accèder à un faux self de compromis avec l'environnement et non de faux self cachant le vrai self. Car comme le souligne Winnicott, « il ne saurait vraisembablement y avoir destruction complète de la capacité de l'individu à vivre une vie créative; même en cas de soumission extrême et d'établissement d'une fausse personnalité, il existe, cachée quelque part, une vie sécrète qui est satisfaisante parce que créative ou propre à l'être humain. Ce qu'elle a d'insatisfaisant est dû au fait qu'elle est cahcée et par conséquent, qu'elle ne s'enrichit pas contact de l'esxpérience de la vie. » En discutant avec quelques professionnels, nous nous sommes rendu compte à quel point il est difficile de détecter une personnalité en faux self et que travailler avec ce type de personnalité est très difficile. C'est probablement pour cela que Winnicott déconseillait à des psychanalystes débutants de s'occuper de tels patients.

Nous allons maintenant aborder la notion de self héroïque, élaborée par Riccardo Steiner.


Le self héroïque:

Il serait une des nombreuses formes sous lesquelles se manifeste le Moi Idéal. Il fait partie du patrimoine de la personnalité créative. Donc nous pouvons avancé que le self héroïque est une partie du Self, puisque, comme nous l'avons vu, le self est la partie créative de notre personnalité. Il s'agit en fait d'un système d'identifications projectives et introjectives avec des personnages héroïques. Par personnages héroïques, Riccardo Steiner entendaient les artistes, les personnalités politiques, les écrivains voire les sportifs. Nous pouvons supposer que ce Self héroïque trouve son fondement dans l'aire potentielle de jeu, dans l'aire culturelle de Winnicott et commence avec les objets transitionnels winnicottiens. Riccardo Steiner souligne l'importance de la stimulation de l'environnement pour que puisse s'ériger le self héroïque: « si le self héroïque a été convenablement nourri par la famille ou le milieu éducatif, le créateur commencera à éprouver, le moment venu, le besoin spécifique d'identifier certaines parties de son personnage à des héros de sa tradition culturelle ou d'autres ( entendaons par là d'autres traditions culturelles). » Dans « Jeu et réalité », Winnicott soulevait aussi ce point important: « ...mais si cette chance ne lui est pas donnée, il n'est pas d'aire dans laquelle le bébé pourrait avoir un jeu ou une expérience culturelle. Il s'ensuit alors qu'il n'y a pas de lien avec l'héritage culturel et qu'il n'y aura pas de contribution au lot culturel ». On peut alors facilement comprendre toute la souffrance éprouvée par les personnalités en faux self qui ressentent la vie comme inutile;on peut supposer qu'une personnalité en faux self, n'ayant plsu ou peu de lien avec l'héritage culturel, ne puisse développer un self héroïque suffisament ancré dans sa vie. En effet, le self héroïque est un aspect important du processus de création du fait de l'interaction constante du créateur avec la tradition qu'il s'est choisie ou avec ses pairs. Le self héroïque renvoie au besoin spécifique d'un créateur de se mesurer aux héros de sa tradition culturelle ou d'autres voire de les surpasser. Riccardo Steiner souligne que « du fait d'évènements qui ont marqué le développement infantile et adolescent, le self héroïque et ses identifications projectives et introjectives peuvent être perturbés voire cesser d'exister. Cela peut se solder par une distorsion mégalomaniaque du self héroïque qui en vient à se croire narcisssiquement et de façon destructive au dessus de toute frome de dépendance à l'égard de ses pairs ou de quelque tradition que ce soit. Les troubles peuvent aussi se manifester sous la forme d'une apathie paralysante et mélancolique qui met, alors, l'individu dans l'impossibilité d'établir un rapport constructif avec ses pairs, en un mot qui le rend incapable d'apprendre d'eux quoi que ce soit ». Le parallèle avec le problème du faux self est, d'après nous assez clair, puisqu'une personnalité en faux self peut apprendre des choses mais ne les habite pas, ne les vit pas. On peut aussi imaginer qu'une personnalité en faux self ne va pas se mesurer ou tenter de surpasser les héros de sa tradition culturelle ou de celle qu'il s'est choisie, surtout si l'on considère qu'elle vit dans la soumission et l'imitation. En art-thérapie, nous pouvons peut être aider ces patients à retrouver un lien avec l'héritage culturelle et les amener petit à petit non plus à imiter mais à se « frotter » à ses héros en laissant sa propre créativité s'exprimer.


Nous n'avons pas trouvé beaucoup de document sur le self héroïque et nous avons donc surtout travaillé ce concept à la lumière des concepts de self et de faux self élaborés par Winnicott. Comme nous l'avons dit plus haut il est difficile de « détecter » une personnalité en faux self, d'autant plus que d'après les personnes que j'ai interrogées, on peut aussi « voir » un faux self là où il n'y en a pas. Par contre, il nous semble que l'art-thérapie de par l'utilisation d'un objet tiers ( l'oeuvre d'art) peut aider un personne ayant un faux self fort à inflêchir celui-ci, à redevenir créatif en opérant une régression et aussi à recréer des leins avec sa tradition culturelle ou avec celle qu'il aura choisie.


Stéphanie Carvalho

4ème année, cursus par correspondance.


« Jeu et réalité », D. W. Winnicott.

« Processus de maturation chez l'enfant », D.W. Winnicott.

« Le Moi-Peau », Didier Anzieu.

« Les écrits de Martha Harris et d'Esther Bick »; sous la direction de Meg Harris Williams.

« Les enveloppes psychiques », Didier Anzieu.




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18 février 2009 3 18 /02 /février /2009 19:35
 

Synthèse des dernières séances d'art-thérapie «  expressions théâtrales »:


Pour la première séance, deux enfants se présentent à l'atelier: un jeune garçon de 13 ans, B., qui a un retard scolaire et qui est dyslexique ainsi que A. que nous avions déjà vu en atelier auparavant.

Au départ, seule A. est avec le thérapeute. En effet, B. est en entretien.


Nous commençons par le jeu du guide d'aveugle. Nous échangeons nos rôles: nous devenons tour à tour guide et aveugle. Dans l'exercice, nous nous bandons les yeux pendant que l'autre personne dispose des obstacles dans la pièce. Le premier tour du parcours se fait en tenant la main de l'aveugle, tandis que le deuxième tour se fait au son de la voix du guide. Cela demande beaucoup de concentration, d'écoute et un minimum de confiance. Il faut également prendre soin de son partenaire ( c'est à dire ne pas l'induire en erreur ou encore aller trop vite lorsqu'on le guide). Lorsque B. arrive, nous avons fini cet exercice que je propose de faire avec lui. Si avec A., tout s'est bien passé, il en va autrement avec le jeune garçon: il malmène son partenaire en allant vite et en le « trimbalant » comme s'il s'agissait d'un ours en peluche. Il ne donne pas non plus d'indications claires ce qui fait qu'il est imposssible pour l'aveugle de terminer le parcours sans s'être cogné à divers obstacles. Quand je lui explique qu'il faut prendre soin de son partenaire, il me répond: « Je suis tellement dans mon truc que je peux pas faire attention à l'autre. »

Nous passons ensuite au jeu du ping-pong vocal: il s'agit d'avoir une conversation sans parole mais uniquement avec des vocalises. Nous avons beaucoup ri pendant cet exercice. En effet, B. avait des expressions de visage très marquées et avait pris la voix de Donald Duck. A. n'arrivait presque plus à « vocaliser » tellement elle riait. Un vrai moment de plaisir donc jusqu'à ce que nous nous apercevons que B. ne voulait plus s'arrêter. Il revint d'ailleurs plusieurs fois sur cette manière de vocaliser tout au long de la séance. Il y prenait un vif plaisir et de toute évidence, nos rires pendant l'exercice lui avaient donné confiance et l'ont probablement encouragé dans ce sens. Il semblait fier de ce qu'il était parvenu à faire et y avoir pris beaucoup de plaisir. Ce fut également le cas de A. qui pourtant trouvait cet exercice bizarre au début.

Nous commençons ensuite un jeu sur les émotions: un personnage lit sur un banc; un autre personnage arrive et importune le premier. Nous avons tous fait les deux personnages. A. ne semble pas savoir faire « comme si » et n'exprime donc pas sa colère face à cette personne qui vient l'importuner. Elle reste très timorée dans l'expression des émotions, même si je remarque une amélioration par arpport aux séances précédentes. Quant à B., il dépasse toutes les limites et transgresse les règles du théâtre dont la plus importante: le non-passage à l'acte. En effet, il finira par me taper sur la tête avec le livre en y prenant un réel plaisir. Je lui ré-explique qu'il ne peut pas passer à l'acte, qu'il doit faire semblant. Nous reprenons alors la scène où cett fois-ci, il parvient à exprimer sa colère sans pour autant me frapper réellment.

Nous passons ensuite à l'écriture. Le choix du thème est une étape importante et souvent il me faut les stimuler. En effet, à cette séance, A. propose que nous écrivions une saynette sur « les soldes » ( ce qui était d'actualité mais qui me semblait pas vraiment prompt à faire ressortir leur imaginaire.). Je leur demande de trouver plutôt un thème qui soit en lien avec la séance d'aujourd'hui. Ils finiront par choisir de travailler sur le conflit entre une personne handicapée et une personne valide dans un cinéma. B. n'est pas l'aise. Je lui demande ce qui ne va pas. Il me dit alors qu'il est dyslexique et qu'il n'écrit pas bien. Je lui réponds que ce n'est pas important car il n'y a aucun souci de performance dans l'atelier. Il sourit et finit par écrire avec nous cette saynette qui sera un monologue. Tous deux exprimeront une forte colère envers cette personne valide qui ose manquer de respect à une personne handicapée. Chacun avec ses mots: parfois crus ( « putain de merde ») parfois exprimant le désir d'une agressivité physique ( « j'avais envie de la baffer »).


Conclusions:

B. a manifestement des problèmes de limites: pendant l'écriture de la saynette, il reprend son personnage de Donald Duck ( expirme peut être une gêne? Une forme de défense ou de distanciation avec ce qu'il était en train d'écrire?). Il n'a pas investi l'espace intermédiaire qu'est la scène puisqu'il passe à l'acte. La faire semblant lui semble inconnu. Il se dévalorise beaucoup, craignant de ne pas être à la hauteur, d'où l'importance de lui rappeler qu'on n'attend pas de lui qu'il soit performant mais juste qu'il se laisse aller. Ceci dit, il a pris un réel plaisir tout au long de la séance.

J'ai remarqué des améliorations dans l'expression des émotions chez A. qui jusqu'à présent n'était pas démonstrative. Elle a su plus lâcher prise également. Elle a exprimé sa colère dans l'écriture.


Pour la deuxième séance, je retrouve une jeune fille que j'avais eu l'année dernière dans mes ateliers d'art-thérapie « recup'art ». Il s'agit de M. qui me semble aller mieux que la première fois que je l'avais vu l'année dernière. Elle est très enthousiaste à l'idée d'aller en art-thérapie. Me est une autre jeune fille qui semble effacée, mais qui est aussi très demandeuse.

Nous commencçons la séance par une rythmique de sons. Nous sommes toutes les quatres en cercle et nous devons nous « passer » différents sons. Au cours de l'exercice, la co-thérapeute se trompe et « perd » un son. Nous nous éclatons de rire, ce qui a pour effet de calmer et de rassurer les deux jeunes filles. Nous passons ensuite au « quart de singe », et cette fois, c'est moi-même qui devient en premier le quart de singe: de nouveaux éclats de rire. L'ambiance est plus que jamais détendue. Le rire et le fait que les « ratages » des thérapeutes soient pris à la rigolade ont rassuré M et Me. En effet, outre le fait que le rire détend les muscles et décharge sa dose d'endorphine, il a permis à ces deux adolescentes de comprendre qu'on a le droit de rater. Pas de performance n'est requise.

Nous commençons les jeux d'improvisation: le banc du parc: une personne est assise sur un banc ( un aveugle par exemple), quelques instants plus tard un autre personnage arrive ( un sdf, par exemple) et va interagir avec le permier. Après quelques instants d'improvisation, le premier s'en va; le deuxième reste sur la scène, arrive un autre personnage ( une vieille femme promenant son chien) qui va venir interagir avec celui resté sur scène, et ainsi de suite. Si au début, j'ai donné à chacun un personnage, chacune a ensuite trouvé par elle-même un personnage nouveau. Nous avons tous joué plusieurs personnages dans cette improvisation. Plus le jeu avançait plus les deux adolescentes se montraient à l'aise et créatives. Lorsque je leur demande comment elles ont ressenti l'exercice, elles me répondent qu'au début c'est très difficile mais qu'ensuite ça va tout seul parce que l'autre aide aussi à trouver des idées d'improvisation. Je me dis alors qu'elles se sont réellement rencontrées! Elles ont été à l'écoute des différents personnages et ont su trouvé leur place dans chaque interaction qui leur a été proposé.

Ensuite nous passons au jeu «  chacun chez soi mais.. ». J'ai délimité deux espaces sur la scène avec un mur imaginaire: dans chacun se trouve une chaise et des livres. Chacune doit investir leur lieu comme s'il s'agissait de leur maison. Au bout d'un instant, elles se rendent compte qu'il y a quelqu'un d'autre de l'autre côté du mur. Il faut alors tenter de communiquer avec cet autre.M. A de petits gestes et son espace semble très restreint. Tandis que Me a des gestes amples et prend tout l'espace qui lui est disponible. Quand Me décide de casser ce mur pour pouvoir communiquer plus facilement avec M., cette dernière entre dans une colère noire. On vient de rentrer dans son espace intime et pour elle c'est quelque chose de difficile à supporter. Elle se raidit, tandis que l'autre propose de boire un café en attendant le réparateur.

Nous écrivons ensuite la saynette qui sera un monologue. Le thème porte sur l'unité de sion dans laquelle elles se trouvent et s'intitule « une journée à Antarès ». Me va surtout y exprimer une agressivité envers les infirmiers ( prendre une chaise pour la taper), tandis que M; exprime sa lassitude envers le discours de l 'équipe soignante ( «  on nous redit sans cesse que la parole nous aide..). M. va même jusqu'à espérer une découverte de la part de l'équipe soignante ( « et là ils trouvèrent ce qu'ils attendanient depuis longtemps). Je ne peux m'empêcher de penser que cette découverte est en relation avec sa problématique: espère-t-elle que les infirmiers vont pouvoir trouver la solution à sa problématique?


Conclusions:

  1. est dans le contrôle de son corps et de son envirronnement: petits gestes, espace étroit. Dans l'écriture, elle ne parle que de faits quotidiens de l'unité: le temps d'accueil, le temps de manger, de prendre la parole... Elle n'a aucune appréhension du regard de l'autre et est très à l'aise dans la prise de parole. Elle a pris beaucoup de plaisir à la séance et me dit «  je préfère ce média à celui de l'année dernière ». Je ne prends pas vraiment note de cela car je sais que M. a cette tendance à vous donner ce que vous voulez ou plutôt ce qu'elle pense que vous voulez.

Me était très intimidée au départ mais à pris de plus en plus d'ampleur et d'épaisseur. Elle s'est laissé aller. Son visage s'est éveillée de plus en plus au fil de la séance. Elle a exprimé son agressivité dans son écrit et a montré au cours de son impro sa volonté de « casser » les murs qui la séparent des autres, qui l'empêchent d'entrer en relation avec eux.


A la troisième séance, se présentent trois adolescents: J.M. que je 'ai déjà eu une fois dans mes ateliers, Q. qui est à Antarès pour des problèmes de dépression et d'un deuil qu'il ne parvient pas à faire ( mort d'un ami très proche) et L, une jeune fille à l'histoire familiale très perturbée.

J.M. semble très content de revenir dans l'atelier d'art-thérapie. Il est très enthousiaste. Q. me dit qu'il n'aime pas le théâtre et encore moins le théâtre d'improvisation. Il a une attitude très condescendante, hautaine et ne me regarde jamais dans les yeux. Quant à L. , elle me regarde en rigolant sans cesse et semble attendre que tout vienne des autres.

Nous commencçons par le jeu des ryhtmqiues. Il nous faut nous « passer » des gestes. Cela demande beaucoup de concentration. Q. montre à quel point ce jeu l'ennuie mais participe quand même malgré un manque d'enthousiasme évident. J.M. a du mal à comprendre l'exercice et nous devons reprendre à plusieurs reprises avant qu'il ne parvienne à cerner le but de ce jeu. L. continue à rire, de ce rire quasi compulsif. Nous ne parviendrons jamais à faire cet exercice: il y a trop de rires de gêne, trop de désinvolutre de part de Q. à qui je répète qu'il est important de respecter le groupe et ses partenaires de jeu. Ce à quoi, il me répond d'un haussement d'épaules.

Je propose ensuite de faire un combat imaginaire. J.M. investit tout de suite cet exercice qui semble beaucoup l'amuser. Par contre, sentant une trop forte résistance de la part des deux autres adolescents, je décide de leur proposer un combat du verbe. Q. se met sur la scène, évitant toujours soigneusement mon regard. Le sien se ballade dans toute la pièce et ne se pose jamais nul part. Au final, je lui demande de refaire toute la pièce à son goût, en me décrivant tout ce qu'il changerait du sol au plafond. Par ce biais, son regard se pose un peu, il virevolte moins et Q. est plus détendu.

Puis vient le tour de L.. Elle ne parvient pas à parler tellement elle est parasitée par son rire qu'elle décrit comme étant un rire natrurel qu'elle a tout le temps: «  j'ai des images dans ma tête et ce la me fait rire ». Je ne suis pas certaine que cela soit vraiment le cas; j'y vois plus un rire de défense ou de distanciation qu'un rire de bonheur infini face à des images bucoliques. Mais j'accueille ses propos tels quels.

Puis je propose une improvisation: chacun choisit un de ses traits de caractères et va jouer celui-ci et entrer en relation avec les autres. Le scénario est proposé par Q.: cela se passe dans un manoir ( celui de sa grand-mère me dira-t-il plus tard), nous sommes pendant la seconde guerre mondiale. Des armes sont cachées dans le grenier. J.M. veut jouer la grand-mère, L. le soldat SS et Q le rôle du fils. Q. a pris tout de suite une position de leader dans l'improvisation. Ce qu'il propose de jouer est sa légende familiale (apparemment sa grand-mère fut une résistante). L. s'insrit dans son rôle de soldat ( j'apprendrai par ailleurs qu'elle a une forte problématique en lien avec la guerre israélo-palestiennes et qu'elle aurait souhaité être un martyre). Quant à J.M., il est vite débordant, pose des questions en plein milieu de l'improvisation, interrompt celle-ci pour suggérer autres de jouer d'une autre manière. L'improvisation me semble cahotique mais ils réussissent tout de même à être en relation et à trouver une fin naturelle à celle-ci.

Nous passons à l'écriture de la saynette. J.M. propose d'écrire sur les morts vivants, mais se rétracte en disant que ce n'est pas une bonne idée. C'est Q. qui va l'encourager et lui dire que c'est une idée qui se tient et que l'on peut écrire quelque chose d'intéressant. Ce sera donc un monologue sur les morts vivants. L. nous y décrit tout ce qu'il y a de plus horrible dans une guerre: viols, risque d'être enceinte de son propre bourreau, devenir un « amuse-corps » pour les morts vivants. Ce sont ici les soldats qui sont les victimes. Elle emploie des mots très crus et durs, ce qui ne transparaît pas dans son comportement. Q. introduit des personnages de romans de science fiction qu'il lit à longueur de temps et J.M. répétera sans cesse le mot « horrible ».


Conclusions:

Il me semble que pour J.M., le groupe est très angoissant et je préconiserait plutôt dans un premier temps une prise en charge individuelle avant de lui faire intégrer un groupe. En effet, il est très perturbateur et débordant. Il n'est pas à l'écoute de l'autre ni de lui-même, se dévalorise face aux autres.

L. a eu ce rire de défense tout au long de la séance: pendant la rédaction de la saynette, me dit en rougissant: «  ce que j'écris, vous allez vois, c'est très cru! ». Elle s'excuse souvent alors qu'il n'y a pas lieu de le faire. Son corps semble la gêner. J'ai proposé après cela de prendre L. en individuel, car il me semble que pour elle aussi, le groupe est angoissant et q'une prise en charge individuelle pour commencer aurait pu l'aider dans l'acceptation de son corps et du « faire semblant ». En effet, elle dira à une infirmière après la séance qu'elle ne pouvait pas faire semblant de frapper ( combat imaginaire); elle frappe vraiment ou elle ne frappe pas.

Q. n'a pas été à l'écoute des autres sauf dans la dernière improvisation. Il est très dominateur mais a su aussi se montrer protecteur envers J.M.. Très rigide également dans son expression corporelle qui reste très figée.

J'ai quitté cette séance complètement vidée de toute énergie et très en colère contre moi-même. J'avais l'impression que cette séance était un vrai désastre. Je me suis triturée l'esprit pour savoir où j'avais fauté. J'avais l'impression de n'avoir pas su donner de cohésion au groupe, que je n'avais pas su contenir J.M. En en parlant avec l'art-thérapeute avec qui je fais de l'analyse de pratique, il en est ressorti que:

- Ce n'était pas une séance si catsatrophique que cela: ils sont entrés en relation les uns avec les autres.

  • C'était avant tout mon égo de metteur en scène qui y avait vu une catastrophe: je reconnais que je me suis laissée aveuglée par des exigences de jeu ce jour-là.

  • Que l'exercice sur les traits de caractère était venu trop tôt et que ce n'est pas le genre d'exercice que je peux utiliser lors d'une première séance.


La quatrième séance fut une surprise pour moi. En effet, je retrouve Q. qui a souhaité revenir. Il me regarde moins de haut et me dit avec un demi sourire: « j'ai bien aimé ce qu'on a fait la dernière fois, surtout l'écriture ». Je n'en reviens pas. Ce qui avait été pour moi quelque chose de particulièrement éprouvant ne l'avait pas été pour lui visiblement. Je me sens un peu rassurée.

Il sera le seul adolescent durant cette s éance.

Nous commençons par le « gardien de but », jeu qui consiste en ceci: un gardien de but qui ne rattrape pas de ballons mais de répliques. Les autres joueurs doivent s'avancer vers le gardien de but et donner une réplique ou une question à laquelle le gardien de but doit répondre le plus rapidement possible. Q. se montre très à l'aise dans cet exercice. Mais son regard est toujours aussi fuyant. Il ne regarde personne dans les yeux.

Puis, je divise la scène en deux: d'un côté, on joue un personnage, de l'autre côté on joue l'opposé du permier personnage. On le joue d'abord en muet puis on en fera une autre version avec des paroles.

Q. semble devoir réfléchir durant d'interminables minutes. Je lui souligne qu'il s'agit d'improvisation et qu'il ne doit pas réfléchir trop longtemps, car « la réflexion tue l'action ». Il me regarde interloqué et me dit « c'est bon j'y vais mais je serai très statique sur la scène ». Je lui dit de monter sur scène et de ne pas m'expliquer ce qu'il compte faire mais de le jouer. Et c'est vrai que ce fut statique. D'un côté, il esr assis raide sur un trône, de l'autre il est allongé et mort. J'y vois donc d'un côté la vie, de l'autre la mort. Il me fait signe que ce n'est pas ça. La co-thérapeute dit «  c'est pharaon vivant et pharaon mort! » Oui c'est bien ça. ( en fait, il voulait être pharaon quand il était plus jeune). Dans le version parlée, il jouera son propre rôle d'un côté et de l'autre ses deux soeurs pour qui il exprime un mépris flagrant. Durant tout cet exercice, son corps et son visage n'était absolument pas dirigé vers le public mais soit de profil soit de dos. Son regard virevolte en tout sens pour être sûr de ne rien capter du regard de l'autre et vice-versa. On peut se demander s'il n'aurait pas l'impression de rester figé, d'être dévoré et d'y voir la mort si jamais son regard s'arrêtait quelque part, sur un autre regard.

Pour l'écriture de la saynette, il propose de prendre le thème d'un de ses livres de science fiction, intitulé «  la marelle ». Nous acceptons le co-thérapeute et moi-même. Son écrit reste complètement accolé au livre qu'il lit. Il a fermé les portes de son imagination.


Conclusions:

Q. contrôle tout: son environnement, son corps, son langage, ses émotions. Ce la induit qu'il n'y a pas d'espace pour que son imaginaire puisse s'exprimer; il n'y a donc aucun lâcher-prise. Il est très envahi par la légende familiale et ses livres de science fiction.


Remarques générales:

En repensant aux différentes séances, pas que ces quatre dernières, mais aussi les autres, il m'est apparu un fait important. Quand nous abordons le mime, souvent les adolescents m'expliquent ce qu'ils font sur scène ou demande à s'appuyer sur un objet réel. Je me suis repassée toutes les scènes de mime et je me suis aperçu que s'ils parlaient, s'ils décrivaient ce qu'ils devraient mimer ce n'est pas pour combler le silence de la salle, mais pour combler le silence de leur corps. En me rémémorant tous ces mimes, j'ai vu des corps muets, figés. Si le corps est le creuset de nos mémoires, le leur semble avoir tout refoulé. Leurs corps ne s'expriment plus alors ils parlent avec leur voix. Ce sont des corps sans énergie ni langage que je vois et c'est ce qu'ils ressentent aussi. Cela doit les angoisser. Et de toutes façons, comment mimer quand notre corps n'a pas de langage?

Je vais donc introduire plus d'exercices de mimes qui pourront raviver la mémoire corporelle et le langage de celui-ci.

Il me semble que je donne peut être aussi trop de liberté dans le choix des personnages dans certaines improvisations. Alors même que je devrais me montrer plus directive, pas dans le sens du professeur de théâtre qui assigne un rôle pour une pièce de théâtre dont la représentation est pour la fin de l'année, mais dans le sens d'une stimulation de l'imaginaire. Ce qui permettra aussi de retrouver et le langage du corps mais aussi la parole, d'exprimer des éprouvés ou des les retrouver.

L'écriture est un média précieux, car s'y exprime ce que le corps ou la voix n'a pas su exprimer. Elle permet en douceur de s'ouvrir à soi et aux autres.


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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 19:13
  AVERTISSEMENT:
Je n'ai pas pu ajouter les schémas que j'avais réalisés et qui expliquaient plutôt bien certains propos..je les mettrai dès que possible..Ceci sont les notes que j'ai prises lors de ce colloque qui a duré toute la journée avec un rythme infernal aussi bien pour nous auditeurs que pour les scientifiques qui intervenaient. Certains ont été obligés de passer de grands pans de leurs interventions à cause du manque de temps...quel dommage!!! Bonne lecture tout de même!!!

Colloque international:


Vers un dialogue entre la psychanalyse et les neurosciences:


Introduction du Professeur Sylivie Tordjman, professeur en pédopsychiatrie:


Il est important des restituer le symptôme en rapport avec l'historique du sujet. En effet, nous avons pu observer des effets de la croyance sur l'effet des symptômes. Les facteurs environnementaux peuvent modifier les facteurs génétiques. On peut supposer qu'il y a une cascade de facteurs environnementaux qui pourrait causer des imageries cérébrales anormales. Ce qui laisse à penser que des imageries cérébrales anormales pouraient être une conséquence plutôt qu'une cause.

On peut se poser la question du « pourquoi le tout cérébrale »? L'imagerie cérébrale permet de rassurer avec des images qui peuvent être objectivables. Celles-ci apportent du contrôlable et repésentent l'irreprésentable. Il ne faut cependant pas oublier que ces images sont réanalysées, réinterprétées par des logiciels. Il y a un risque de multiplication d'explorations invasives sur les enfants notamment, ceux-ci passant de statut de sujet à un statut d'objet.

Les variantes et les invariants sont aussi essentiels: il y a une grande importance de la subjectivité dans la thérapeutique.

L'objectif de ce type de colloque est de se confronter à des champs différents de nos champs habituels, à des idées différentes tout en gardant nos spécificités.


Aspects historiques des collaborations entre la psychanalyse et les neurosciences:

Professeur Sauvagnat, professeur de psychopathologie à Rennes.


Freud avait une formation de neurologue et a fait de nombreuses recherches ( lamproies, coca..). Dans son ouvrage sur l'aphasie, il introduit la notion d'hyperassociation et montre aussi les limites de la neurologie. Il y a plusieurs interprétations divergentes de son ouvrage « Esquisse d'une psychologie scientifique »: certains y voient un travail purement biologique, d'autres purement psychologique, d'autres encore une esquisse de la psychanalyse, certains une intuition novatrice des sciences cognitives et enfin Lacan qui y voyait un ouvrage fondant l'éthique de la psychanalyse.

Freud se réfère tout le temps à la biologie mais instaure des limites entre les deux domaines. « La biologie est un domaine avec des possibilités infinies » ( « Au dlaà du principe du plaisir ».). Il fait beaucoup références à Lamarck, Darwin et aux néodarwiens ( Weismann). Dans « les 3 essais sur la théories de la sexualité », il fait référence à l'endoctrinologie.

Il refuse le finalisme des néo-lamarckiens et éprouve de la méfiance envers la panpsychisme de Groddeck.( théorie qui affirme que le psychisme serait tout puissant).. Il est également méfiant envers l'oeuvre psychosomatique de F. Alexander. « Il faut refuser la tentation du système nerveux autonome et des glandes endocrines ».

En 1913, il écrit un texte assez court « Intérêt de la psychanalyse pour la biologie », centré sur la déception de faire reconnaître le ro^les des pulsions sexuelles à côté des notions d'évolution et de luttes pour la vie.


Sandor Rado,théoricien d'un double mécanisme des toxicomanies. Il postule que celles-ci apportent un renforcement du Moi tout en créant un court-circuit pulsionnel. Il parle aussi de la toxicomanie sans drogues ( addiction aux jeux par exemple). Il nomme le court-circuit pulsionnel « pharmacothymie. Selon lui, le Moi peut être renforcé par l'usage de toxiques mais il y a une sorte de jouissance qui va détruire l'ordonnancement. Ce court-circuit a inspiré Mélanie Klein ( agressivité fondamentale des instincts) et Lacan ( Imago du sevrage. 1938).


Lawrence Kubie, neurologue ( un des fondateurs de la cybernétique). Il fera una anlyse avec E. Glover et deviendra payschanalyste.

Il découvre les circuits d'activation en boucles des réseaux neuronaux (1930) et prpose une hypothèse neurologique de soubassements des névroses ( circuits fermés réverbérants tournant sans fin). Cette hypothèse sera réinterprétée comme une distorsion du processus de symbolisation. Il s'intéresse à l'hypnose et soutient Erikson. Le modèle cybernétique est repris par Lacan qui s'en inspire pour élaborer son modèle du graphe du désir ( refus de « réaliser » le message inconscient dans des neurones réels ». 1956).


Georges Engel, fondateur du modèle «  bio-psycho-social », est un neurobiologiste converti à la psychanalyse. Il est connu comme psychosomaticien et théoricien du modèle bio-psycho social, au début très réductionniste. Il collabore avec John Romano. Il fait alors une analyse et rencontre F. Alexander à Chicago. Il intervient dans le débat entre le stress et le trauma psychique. Le stress n'est pas seulement déterminé par une agression mais aussi par un manque de stimulation et de soutien. Il parle de syndrôme « hopelness-helpleness-giving-up-given-up.


G. Edelamn et A. Modell, le premier est prix nobel de biologie et le deuxième psychanalyste. Tous deux n'ont cessé de collaborer. Modell prolonge la théorie du Slef de Heinz Kohut et ajoute la notion d'après-coup.

Edelman soutient que la mémoire est dynamique, associative et transformationnelle. Les neurosciences nécessitent la notion de Self.

Chacun trouve recours à l'autre du point de vue théorique.


E. Kandel est prix Nobel de biologie. Il a montré la plasticité cérébrale et a travaillé sur l'aphasie ( 1998).La psychiatrie, la psychologie cognitive et la psychanalyse peuvent définir pour la biologie quelles sont les fonctions mentales à étudier, aider à définir des buts de recherches pertinents et poser des questions psychologiques auxquelles la biologie doit répondre pour une meilleure compréhension des processus psychologiques complexes.

Par contre, il considère que la psychanalyse doit s'inféoder aux neurosciences surtout en matière de méthodologie.


Nous avons donc plusieurs point de vue et collaborations possibles.

Engel fait cohabiter la psychanalyse et les neurosciences; Kandel a recours aux deux mais propose une fusion des deux domaines. Edelman et Modell collaborent en respectant les différentes méthodologies. Lacan fait des références implicites aux neuroscinces ( séminaire sur l'angoisse notamment). A. Green rejette cette collaboration qu'il décrit comme une impasse et une humiliation pour la psychanalyse.


Intérêt de la psychanalyse pour les neurosciences:

  • Théories de l'intersubjectivité, théories de la'mour.

  • Théories des divisions subjectives et formes d'ambivalence ( tri-partition freudiennes: Cs, Précs et Ics; Moi, ça et Surmoi).

  • Théories des pulsions, des formes de jouissances.

  • Théorie du corps en tant que « donné », construit ( stade du miroir, membres fantômes)

  • Question de l'effet placebo/nocebo comme effet transférentiel

La psychanalyse doit tenir compte des développements de la science.


Neurociences et psychanalyse: les leçons de la discontinuité:

F Ansermet (professeur à l'université de Genève) et P. Magistretti (professeur de neurosciences à l'université polytechnique de Lausanne:


Comme nous l'avons vu dans l'exposé précédent, il y a plusieurs types de point de vue concernant cette rencontre entre les neurosciences et la psychanalyse:

  • Une hétérogénéité absolue.

  • Une superposition: recouvrir les fonctionnements psychiques par la biologie et vice-versa.

  • Réunion des deux ordres hétérogènes.

  • Intersection: deux domaines sans commune mesure mais on y trouve une intersection autour de la problématique de la trace qui est un point de butée. La difficluté partagée est «  qu'est ce que la trace laissée par l'expérience ? ».

La plasticité du cerveau:

Quest-ce? C'est la capacité qu'a le cerveau d'être modifié par l'expérience. Le cerveau se modifie en permanence ( surtout les transferts d'informations).

Les mécanismes de cette plasticité:

  • variation du nombre et de l'architecture des synapses ainsi que de l'efficacité de celles-ci ( c'est à dire de l'efficacité des transferts d'informations).

  • Réarrangements structurels: neurogenèse ( apparitions de nouveaux neurones chez l'adulte).

    L'expérience laisse une trace mais il ne s'agit pas d'une ou deux synapses mais bien d'un pattern de synapses facilitées.

Il y a donc un mécanisme qui permettrait à ces traces de se réassocier et de donner un nouvel ensemble de traces. Celui-ci pourrait être un modèle du non-conscient.

On parle de reconsolidation: processus par lequel une trace est momentanément modifiable juste après sa réactiviation. Les traces mnésiques sont labiles, modifiables et réassociables.

Le paradoxe de la plasticité:

L'inscription de l'expérience et la réassociation de traces séparent de l'expérience: il y a introduction d'une discontinuité.Le sujet et l'inconscient peuvent être perçu comme un produit de la discontinuité. Leur fonction est dysjointe par rapport aux traces qui les portent.

Il ya un changement permanent dans la plasticité: tout se conserve=continuité; mais tout se modifie également=discontinuité. De plus, l'inscrition des traces est diachronique alors que la réassociation de celles-ci est synchronique. Nous sommes biologiquement déterminés à ne pas complètement déterminés.

Schématiquement: spatialréaménagement des traces; temporel→réaménagement synchronique

Tout ceci forme la discontinuité ou « Small delay » entre le conscient et l'inconscient.

Le fait que l'inconscient ignore le temps est un élément de la discontinuité.

La question qui pourrait réunir les neurosciences et la psychanalyse:

Comment est produite la singularité qui fait que nous sommes uniques et irremplaçables?

Y-aurait-il un point de commune mesure entre la trace mnésique et la trace en psychanalyse?


L'oscillation entre deux modes de traitement de l'information et son lien éventuel avec la psychanalyse:

Jean-Pol Tassin,Neurobiologiste, directeur de recherche INSERM et collège de France:


Nous avons environ 100 milliards de neurones soit environ 10 000 neurotransmetteurs. Il y a deux modes en interaction:

  • un traitement rapide, analogique qui dépend des caractéristiques génétiques.

  • Un traitement plus lent qui fait intervenir le préfrontal et l'action de modulateurs qui permettent de passer d'un traitement analogique à un traitement cognitif.

Les modulateurs modulent les réseaux pour répondre de manière adaptée et font des choix en fonction des perceptions.

Les neuroleptiques et les drogues n'interviennent pas sur les 99% de neurones mais sur le 1% de modulateurs. Il existe plusieurs sortes de modulateurs:

Noradrénaline qui réagit à la nouveauté; la sérotonine qui protège de l'extérieur; si elle s'épuise cela amène des comportements agressifs.De plus, elle maintient le traitement des informations internes; la dopamine quant à elle récompense.

Pendant le sommeil, il n'y a qu'un traitement analogique pur. Celui-ci est très rapide mais peut produire des erreurs. En dessous de 66 millisecondes, l'information n'est pas traitée et ne va pas jusqu'au système conscient.

La dopamine permet un traitement de l'information et donne une fonction aux structures. Quand la dopamide disparaît, l'information n'est pas maintenue suffisamment longtemps.

Etant donné que la mémoire cognitive n'existe pas, il faut renvoyer l'information dans le système analogique.

Dans les premières années de la vie, le cerveau ne fonctionne qu'en système analogique. Puis vers 3-4 ans, les deux systèmes fonctionnent. L'amnésie infantile peut s'expliquer par le fait que l'information n'étant pas passée par le système cognitif, celle-ci n'est pas restituable.


L'empathie: au carrefour des neurosciences et de la psychanalyse:

Jean-Marc Guille, professur agrégé de pédopsychiatrie, Université de Montréal et CNRS UMR8189 à Paris:


On peut distinguer trois plans: neuronal, cognitif et psychique. Ceux-ci ont leur propre autonomie.

L'empathie est un traitement de l'information émotionnelle associée aux stimuli sociaux. Plusieurs processus:

  • empathie procédurale: partage de l'émotion inné et non-consicent; déclenchement automatique; est présent chez l'animal

  • empathie sémantique: se développe plus tard; une association entre émotion et vocabulaire est présente; il s'agit de la lecture des émotions.

  • Empathie biographique: elle implique un rappel mnésique et est associée à une expérience biographique commune.

Régulation et empathie: de bas en haut ( bottom up) et de haut en bas.

Régulation= flexibilité cognitive, distinction soi/ non-soi; inhibition.


« L'empathie est le mécanisme qui nous rend possible toute prise de position à l'égard d'une autre vie mentale ».

Stern: interaffectivité ( imitation des expressions faciales); accordage affectif ( imitation, réponse transmodale de l'adulte, symbolisation avec un choix de réponses transmodales; verbalisation des affects; référence à un état émotionnel de l'enfant inféré à partir de son expression faciale).

Widlöcher: -processus d'inférence qui par tous les canaux, y compris pragmatiques, infère un état mental chez autrui.

Mécanisme reposant sur l'imaginaire et par un processus d'identification permet de dégager tout un florilège de sens.


Grille d'évaluation psychodynamique des étapes évolutives de l'autisme centré sur l'image du corps:

Geneviève Haag, psychiatre, psychanalyste à Paris:


Observation du langage corporel et préverbal chez l'enfant autiste. Il n'y a pas de construction normale de la perception du corps.

Il y a peur du regard ( tomber, se répandre..). Cette peur est de plusieurs natures:

  • peurs prédatrices ( avoir les yeux percés, percer par le regard).

  • Peurs spatiales ( risuqe de tomber dans un espace sans fond, tomber derrière la tête de l'autre).

  • Peurs orales: elles apparaissent plus tardivement ( dévorer et être dévoré).

Démonstration en langage préverbal, expérimenté etr théâtralisé en corps à corps:

  • tactile profond du dos+rythmicités sonores+ interpénétration des regards portant des échanges émotionnels=effet d'entourance circulaire ou sphérique avec un noyau central dans la zone orale ( axe langue mamelon)

  • projection de l'enveloppe corporelle sur l'espace et les objets: objets ronds, objets contenants.

De plus, l'interpénétration des regards fait flamber l'amygdale.


Construction de l'axe vertical du corps:

  • poursuite des échanges émotionnels et appui en hémicorps, puis dédoublement progressif de l'hémicorps fusionné; reprise auto-érotique dans les jonctions entre les deux côtés du corps.

    -projection dans l'espace architectural sur les angles et les encoignures.

Pour la grille, 8 domaines sont ressortis:

  • état de l'image du corps.

  • Manifestations émotionnelles dans la relation.

  • Etat du regard.

  • L'exploration e l'espace et des objets.

  • Etat du langage.

  • Etat du graphisme.

  • Repérage temporel

  • Manifestations agressives.


L'enfant autiste, quand il reste agrippé à la lumière ou à toute autre stéréotypie, n'a pas conscience du temps. Il n'accepte pas la linéarité du temps.

Plusieurs clivages: sensoriel, corporel, langagier, cognitif.

L'inattendu du surgissment de la voix est l'analogie des borborygmes intestinaux; d'où une peur des bruits de tuyaux. Quand cette peur a disparu, les enfants font écouter les bruits de tuyaux puis s'opère une réouverture à la voix.


Le développement de la perception des visages: un carrefour multidisciplinaire?

Scania de Schonen, directeur de recherche, Laboratoire Psychologie de la perception, CNRS UMR 8158...:


La répartition des luminances se fait sur la rétine; le cerveau transforme ces stimuli pour en faire des images ou des informations cohérentes.

Le cortex temporal à 2 mois a une activité métabolique réduite et une densité synaptique pauvre.

Le nourrisson préfère les horizontales et les patterns chargés de plus de contrastes dans les parties supérieures qu'inférieures. L'attention du nourrisson pour le visage proviendrait du réseau sous-cortical. Cela se passe aussi au niveau du cortex visuel. Certaines cellules seraient matûres plus tôt et assureraient une préférence puis constituerait une image du visage de face. Il ne voit que les fréquences basses; il perçoit des clairs et des obscurs. N'importe quelle image ayant plus ou moins la forme d'un visage est un visage. Il fixe la zone supérieure de la tête. La barre des yeux doit être sombre sur les images pour que le nouveau-né les regarde. Est-il sensible à la direction du regard? Oui mais seulement si le visage est de face. Vers 10-12 mois, le nouveau-né sait ce que veut dire la direction du regard.

Quand le visage est impavide et qu'il n'y a pas d'interaction, le nouveau-né réagit négativement. Il discrimine correctement les formes.

La catégorisation perceptive est présente chez le nouveau-né. Le nouveau-né « crée » un prototype ( moyenne des formes ou des visages). A 9-10 mois, il y a disparition de la sensibilité aux contrastes non-présents dans son environnement.

Par exemple, des coréens adoptés entre l'âge de 3 à 9 ans, reconnaissent mieux les différents visages caucasiens qu'asiatiques ( performance identique à celle des adultes élevés en France); par contre des coréens arrivés à l'âge adulte reconnaissent plus facilement les différents visages asiatiques que caucasiens. Et il en est de même pour la perception de la parole.


Conclusion:

Ce colloque était fort intéressant; ceci dit, un long chemin reste à parcourir avant que ces deux disciplines ne « dialoguent ». En effet, dans les deux domaines, beaucoup de personnes ne voient pas l'intérêt qu'elles peuvent se porter mutuellement. La question a été posée par le professeur Dardenne s'il était possible de créer la neuropsychanalyse. Il ne me semble pas qu'il faille fusionner les deux disciplines mais plutôt les faire travailler en commun sur des axes de recherches possibles.


Stéphanie Carvalho

www.neurosciences-psychanalyse.com

le site du collège de France.



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16 novembre 2008 7 16 /11 /novembre /2008 16:50
 


Journal de bord:


Premières séances d'art-thérapie théâtre au Bois Perrin.


Nous avons repris nos ateliers d'art-thérapie au centre de pédopsychiatrie du Bois Perrin à Rennes depuis le 17 octobre. Les séances ont lieu tous les vendredis matins pendant 1h30. Nous téléphonons la veille au centre afin de savoir combien de patients viendront , ainsi qu'une brève anamnèse de ceux-ci, afin de mieux élaborer nos exercices d'expressions théâtrales. Lors de notre première séance, nous avons eu la surprise de ne voir qu'un seul patient dans l'atelier alors qu'on nous en avait annoncé 5 voire 6. Nous avons dû insister pour que l'indication d'art-thérapie soit posée la veille et que nous en soyons tenus informés pour que nos séances d'art-thérapie soient cohérentes et adaptées.


1ère séance:

L. est une jeune fille qui a des troubles du comportement ( violences verbales envers certains membres de sa famille d'accueil). Ell est plutôt sceptique quand nous lui parlons d'expressions théâtrales: elle a déjà fait du théâtre et semble n'avoir guère apprécié cette expérience et nous lance « le théâtre, ça sert à rien ». Nous lui expliquons en quoi va consister la séance ainsi que les règles à suivre dans le cadre art-thérapeutique; ces règles sont:

  • Le respect du cadre, du thérapeute et du co-thérapeute.

  • Le respect de soi, de ses limites corporelles et psychiques, ainsi que le respect du partenaire, des limites de celui-ci.

  • L'écoute de soi et de l'autre.

  • Pas de passage à l'acte.


Voici l'organisation de la séance:

  • Hypnose colombienne ( suivre la main de l'autre; exercice demandant de se concentrer, de prendre soin de son partenaire et de soi-même).

  • Le combat imaginaire ( comme sur un ring, on se frappe sans porter les coups; mais on les bruite, on chute en bruitant également; c'est un bon échauffement physique qui demande de la concentration, de la maîttrise

  • Statue simple ( face à face, on mime exactement les émotions de l'autre ).

  • Statue opposée ( face à face, on mime les émotions contraires de son partenaire).

  • Galerie de portrait: face au mur, l'acteur fait un pas et doit mimer, prendre la posture d'un personnage donné ( un vieillard, un bébé, un maître d'école, ect..)

  • L'attente: l'acteur entre dans une salle d'attente; la personne devant la recevoir est en retard. Le but n'est pas de parler mais juste d'attendre; puis nous demandons une autre version de cette attente où l'acteur peut parler, ou grommeler, et doit improviser autour de ce thème: cela l'énerve? Il patiente tranquillement...toutes les possibilités sont acceptables.


Pour réussir à mettre L. en confiance et à l'aise, nous prenons le parti de faire certains exercices avec elle. Par exemple, lors de l'hypnose colombienne, si elle a suivi notre main, nous avons également suivi la sienne et ce fut le cas pour les statues. Cela a eu pour effet de la faire sourire, de se détendre et de se rassurer. L'hypnose colombienne lui permet de se concentrer et de se recentrer également. Lorsque nous nous battons « imaginairement », elle se laisse complètement aller: Si au début, elle n'utilisait que les poings et les coups de pied, elle finit par utiliser des objets ( chaises, balais, cartons..).

Cependant, elle maîtrise ses gestes et par là même symbolise son agressivité tout en la laissant s'exprimer librement. Lors des jeux du miroir simple et opposé que nous faisons tour à tour, nous percevons sa tendance à l'extrapolation; elle se montre incapable d'exprimer simplement des émotions: il faut qu'elle théâtralise tout, qu'elle aille plus loin que les indications de départ. Pour tous les jeux de mimes, elle ressent le besoin de verbaliser ce qu'elle fait, de s'appuyer sur des objets qui se trouvent dans la pièce ce qui montre qu'il n'y a pas de réel lâcher-prise. Dans les jeux d'improvisation sur l'attente, elle ne se donne que des rôles d'hommes ( Mr Guihard), peut être pour leur pouvoir et leur puissance, la femme étant trop faible?

Ce jour-là, nous n'avons pas pu écrire de saynette sous la forme du cadavre exquis, car la séance avait commencé avec une demi-heure de retard, dû à un entretien avec le pédiatre.

Elle a, par contre, exprimé elle-même le plaisir procuré par cette séance d'art-thérapie et s'est dit prête à revenir la semaine d'après «  si je suis toujours là » at-elle précisé.


Au vu de cette séance, nous avons pu remarquer que L. s'accroche trop à la réalité pour se laisser aller dans son imaginaire; qu'elle pouvait être débordante, mais qu'elle respectait le cadre et son partenaire, qu'elle a du mal à mimer des émotions simples. Ceci dit, vu qu'elle a des difficultés au sein des groupes, il nous a semblé cohérent qu'elle commence seule avec le thérapeute avec qui elle a pu établir une relation de confiance.



2ème séance:

Pour cette deuxième séance, L. est là ainsi q'un autre enfant, B.. B. s'est présenté à nous de manière tout à fait inappropriée. Lorsque nous allons vers lui pour lui serrer la main, il nous répond qu'il ne peut pas car il vient de «  se toucher le zizi ». Nous lui demandons d'aller se laver les mains afin de pouvoir commencer la séance. L., quant à elle, est contente de venir même si elle nous dit qu'elle «  n'aime pas ce garçon ». Nous lui conseillons alors de faire abstraction de son aversion, puisque B. sera un personnage.

Nous expliquons en quoi va consister la séance du jour ainsi que les règles à observer dans le cadre art-thérapeutique.

Déroulement de la séance:

  • Occupation de l'espace: chacun doit prendre son chemin en marchant tranquillement et en faisant attention aux autres promeneurs. Puis nous introduisons petit à petit des instructions telles que: à 1, vous marchez beaucoup plus vite; à 2, on se fige dans le mouvement qu'on était en train d'effectuer; à 3, on marche le plus lentement possible en décomposant chaque mouvement... Pour cela, il faut être concentré et cela permet aussi de s'échauffer physiquement.

  • Combat en aveugle: l'un en face de l'autre avec suffisamment d'espace, chacun porte un bandeau sur les yeux. Le but est de toucher l'autre le premier. Fait appel non seulement à la concentration mais aussi à l'utilisation d'autres sens que le visuel.

  • La marionnette à fil (sans toucher son partenaire). ( concentration, respect du partenaire, écoute de soi et de l'autre).

  • Mimer chacun 5 métiers.

  • Courte saynette sur un conflit: nous sommes dans le métro, une personne entre, elle est enceinte ou handicapée; elle demande à une autre personne de lui laisser la place qu'elle occupe, mais celle-ci refuse. ( travail sur le conflit et de la gestion de celui-ci).

  • Écriture d'une courte saynette sous la forme de cadavre exquis.

  • Illustration de celle-ci.


La première difficulté lors de cette séance a été que B. refuse catégoriquement de toucher l'autre adolescente. Il n'accepte le contact physique qu'avec le thérapeute et le cothérapeute ( tous 2 des femmes). Nous nous sommes adaptés à cette situation en acceptant de jouer avec lui. Cependant, contrairement à nos craintes, il n'y a eu aucune manifestation pulsionnelles de sa part. Il nous a fallu le recadrer à plusieurs reprises car il peut être très volatile. Cependant il a respecté les thérapeutes et l'adolescente présentes ce jour-là. Lors du jeu de la marionnette à fil, il a su faire attention à son partenaire ( L.) tout comme il a accepté que L. soit le marionnettiste même s'il a eu un court moment d'opposition. Par contre, durant la scène du conflit entre la personne assise et la personne handicapée, B. ne parveint pas à prendre le dessus, reste un peu amorphe et peu convaincant, ceci pouvant s'expliquer peut être par sa difficulté à bien s'exprimer. Il a montré un certaine impatience au moment de l'écriture de la saynette, demandant quand ce serait fini. Il n'a pas voulu laisser d'illustration pour la saynette: il a fini par déchirer celle-ci et la mettre à la poubelle.

Nous avons pu remarquer que B. se dévalorise facilement, que son imaginaire est particulièrement inhibé, qu'il manque de concentration. Cependant, il a pris beaucoup de plaisir à jouer.

L., quant à elle, se sentant en sécurité et en confiance, se montre généreuse. Elle se laisse plus aller que la première fois, improvise facilement. Lors de l'improvisation sur le conflit, elle avait quasiment une voix d'homme, s'est battu avec l'autre personnage ( le thérapeute en l'occurrence) sans pour autant passer à l'acte. Elle a eu un bref moment d'opposition au moment de passer à l'écriture mais a su s'investir dans la saynette et s'en est beaucoup amusée. Elle par ailleurs proposé de faire l'illustration de la saynette avec un média de son choix: la peinture. Elle était très concentrée et minutieuse. L. s'est dite fière de sa peinture.

Nous avons remarqué que L. ,dans le cadre sécurisant de l'atelier, a pu exprimer son agressivité sans débordement, et a su aussi se laisser aller dans son imaginaire, s'accrochant moins au réel.

Le co-thérapeute me fit part de sa peur lors du duo que nous avions joué, L. et nous. En effet, celui-ci a pensé que L. finirai par me frapper réellement. C'est en effet un risque que nous avons pris, mais il s'agit tout de même d'un risque calculé, puisque nous restons vigilents, en éveil et surtout nous sommes à l'écoute de l'autre ( écoute sonore ainsi qu'écoute psychique).


3ème séance:

Trois nouveaux enfants se présentent à l'atelier: S., que nous connaissons déjà, puisqu'elle a fait quelques déances d'art-thérapie lors de notre précédent stage, M. une jeune fille qui souffre d'une grande carence affective et dit entendre des voix et J. un jeune garçon qui soufffre de toubles du comportement.

S. ne veut pas venir; mais en discutant avec elle, nous finissons par la persuader de monter dans l'atelier d'art-thérapie. M. est plutôt enthousiaste tandis que J. est complètement figé dans un visage sans expression.

Déroulement de la séance:

  • Occupation de l'espace.

  • La machine infernale: en cercle, on se passe un mouvement ou une rythmique, puis lorsque celui-ci a fait le tour, on en introduit un deuxième puis un troisème tout en gardant les précédents mouvements ( concentration, écoute.).

  • Objets à usages multiples: on donne à l'acteur un objet du quotidien auquel il doit trouver des fonctions différentes et ce sans temps de réflexion et le plus rapidement possible ( travailler l'imaginaire).

  • Le musée émotionnel: le groupe marche de manière neutre; le thérapeute propose une émotion et à son top, chaque membre du groupe devra se déplacer en vivant cette émotion, au deuxième top, ceux-ci devront se figer dans l'expression de cette même émotion, et ainsi de suite. ( vivre corporellement une émotion, l'exprimer.)

  • La veste: on met un chaise au centre de la scène; l'acteur entre et doit mettre une veste ( qu'il doit mimer puisqu'elle n'est pas sur la chaise); il devra une première fois mettre cette veste en nous montrant qu'il aime cette veste; une deuxième fois en nous montrant qu'il la déteste puis une troisième fois en nous montrant qu'il est pressé.

  • Le traducteur: en duo: un raconte une histoire en grommelot et l'autre traduit cette histoire. ( écoute de l'autre, de soi, rencontre de deux univers, de deux imaginaires, entrer dans son imaginaire).

  • Ecriture de la saynette sous forme de cardavre exquis.

  • Illsutration de la saynette.


S. rejettera presque tous les jeux proposés sauf, l'occupation de l'espace, la veste et l'écriture de la saynette ( même s'il a fallu la stimuler pour cela). S. reste dans le même schéma que l'année précédente: est dans l'opposition, parfois la provocation. Se refuse d'admettre qu'elle prend du plaisir à jouer alors même que nous pouvons le sentir et le voir. Elle se dévalorise sans cesse et ne se donne pas les moyens de réussir. Le seul jeu qu'elle ait accepté de faire jusqu'au bout fût l'écriture ( peut être était-ce plus rassurant pour elle? L'expression théâtrale étant trop de dévoilement possible pour elle? ). Le sujet de la saynette, qu'elle a écrite en collaboration avec le co-thérapeute et le thérapeute ( en effet, les deux autres enfants ayant un rendez-vous pour un ECG ne pouvaient rester jusqu'au bout de la séance.) était « ne rien faire », soit ce qu'elle n'a cessé de nous dire durant la séance. Lors de l'illusatrtion que nous avons également élaboré à trois, elle se dessine dans un hamac, puis au moment de faire son visage, commence par se dessiner souriante avant d'effacer son visage qui restera sans expressions puisqu'elle ne se donne même pas la peine de se mettre un nez, une bouche...Ce qui laisse penser qu'elle prend du plaisir mais qu'elle se le refuse.

M. s'investit tout de suite dans les jeux qui lui sont proposés; cependant, elle a une forte tendance à la théâtralisation, restant dans des expressions d'émotions très superficielles, ce qui nous montre qu'il n'y a que peu de lâcher-prise. Elle a du mal à se concentrer et reste très accolée à la réalité: au jeu des objets à usages multiples, alors que nous lui donnons un balai, elle ne lui donne pour fonction que des objets qui sont à portée de ses yeux ( lavabo, chaise, table...), puis au fur et à mesure réussit à pénétrer dans son imaginaire; de nouvelles fonctions apparaissent telles que l'électricité, la pizza... On peut dire qu'elle garde le contrôle de son environnement et de son psychisme de sorte qu'elle donne l'impression d'avoir un imaginaire assez pauvre. De plus, elle se montre vite débordante, allant au-delà des demandes du jeu proposé.

J. n'exprime aucune émotion; son visage reste figé dans une espèce de torpeur perpétuelle et son corps semble quasi hypotonique. Cependant, il se révèlera étonnant dans le « fou rire » proposé en tant qu'émotion par le thérapeute: en effet, celui-ci s'est littéralement roulé par terre en se tordant de rire. Alors même que toutes les émotions proposées entre temps étaient inexprimées,J. arborant ce même regard lointain et vide pour toutes les propositions. Il y a beaucoup de mimétisme chez J.. Surtout lors du jeu du traducteur où il reprend ce que M. avait dit précédemment. Il ne parviendra pas non plus à donner une autre fonction à un verre que lui avait donné le thérapeute ce qui nous laisse à penser que son accès à l'imaginaire est bloqué voire complètement inhibé.

4ème séance:

Deux jeunes filles sont présentes: M. que nous avions vue la séance précédente et G. qui est en léger retard puisqu'elle est en entretien avec son ancienne éducatrice. Lorsque celle-ci arrive dans l'atelier, elle le visage fermé et une expression de colère intense qu'elle semble contenir tant bien que mal.
G. refuse toute la séance de participer à quelque jeu que ce soit. Pourtant, elle s'est montrée particulièrement attentive au moment de l'improvisation sur le conflit mère/fils et père/fille.

Déroulement de la séance:

  • Occupation de l'espace.

  • La ronde rythmique: cela ressemble à la machine infernale sauf qu'on ne garde pas les premiers mouvements.

  • Mon rêve, c'est...: c'est un exercice de clown. ON dit « mon rêve, c'est...et on rajoute ce que l'n souhaite sans réflexion et sans temps mort ( il s'agit ici d'entrer dans son imaginaire en partant du rêve).

  • La fausse accusation: en duo, l'un accuse l'autre de quelque chose; l'autre doit accepter cette accusation, même si elle est incroyable, se justifier et se défendre. Une fois terminé, on intervertit les rôles. ( improvisation autour d'un conflit qui est rocambolesque;lâcher-prise; gestion de ce conflit)

  • Histoire d'un conflit: cette fois-là il s'agissait de deux conflits: celui d'une mère avec son fils puis d'un père avec sa fille ( comment gérer le conflit, comment résoudre le conflit).

  • Écriture d'une saynette sous forme de cadavre exquis.

  • Illustration de celle-ci.


M. est très enthousiaste et cétait peut être dû à sa sortie annoncée pour le jour même. Elle continue de garder le contrôle refusant par là même d'entrer pleinement dans son imaginaire. Elle se dévalorise beaucoup, notamment dans le jeu « mon rêve, c'est.. » au cours duquel elle dit « mon rêve, c'est dêtre une poubelle, du papier toilette, le trou des toilettes...Dans les improvisations sur la fausse accusation, elle dit se sentir plus à l'aise dans un rôle de défense que d'accusateur et cela s'était senti sur la scène. Puis lors des improvisations sur le conflit parent/enfant se montre incapable de résoudre le conflit allant même, alors qu'elle est la « mère », jusqu'à pousser le conflit dans une impasse. Après cette improvisation, elle nous demande pourquoi il faut résoudre le conflit, à quoi nous lui répondons qu'il est important de restaurer le dialogue pour mieux comprendre l'autre et soi-même aussi ains que pour pouvoir rester à l'écoute de l'autre et de soi-même. Elle a alors dit qu'elle allait y réfléchir. Ensuite, est venu le temps de l'écriture, temps qu'elle refuse au départ puis dans laquelle elle s'investit avec plaisir. Le thème qu'elle a donné à la saynette est « la mort », thème qui lui est cher, puisqu'elle a perdu voici peu de temps une amie. Elle nous avoue s'être amusée et être beaucoup plus détendue, ce qui se voit sur son visage souriant et son regard animé.


Conclusion:

Il n'est pas simple de mettre en confiance les jeunes du centre e pédopsychiatrie et de faire en sorte qu'ils se sentent en sécurité avec nous dans notre cadre art-thérapeutique, dans le sens où nous ne les voyons peu ( parfois jsute une séance). C'est pour cela que nous est venu l'idée de jouer nous aussi, de prendre des risques; nous nous sommes dit que si ces jeunes en souffrance s'apercevaient qu'ils ne sont pas les seuls à se risquer sur le terrain de l'imaginaire, des émotions, nous pourrions plus facilement établir une relation de confiance et sécurisante. Cela n'empêche pas une écoute bienveillante puisque le théâtre est écoute: écoute de l'autre, de soi, respect de l'autre et de soi. Il nous arrive aussi, malgré le fait que nous ayons préparé notre séance la veille, de changer certains jeux du fait de la dynamique du groupe ou des différentes personnalités présentes ce jour-là. Il nous semble important de pouvoir avec une bonne banque de jeux théâtraux de pouvoir rebondir sur ce qui se passe sous nos yeux et de réadapter nos jeux en fonction de cela.


Stéphanie carvalho

3ème année, cursus par correspondance.

Www.dramaction.com

méthode Boal pour acteurs et non-acteurs, Augusto Boal.






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19 octobre 2008 7 19 /10 /octobre /2008 16:27
Ce week-end a été un super moment de retrouvailles avec mon clown qui n'était vraiment pas loin..moi qui avait eu l'impression qu'il sétait éloigné de moi!!! Il est revenu et comment!!!!
Le stage de Lizio, c'est du bonheur clownesque à l'état pur!!!! On se retrouve dans la maison des clowns, qui est une petite maison en pierres avec vue sur les champs et la forêt..très prpice donc à la création clownesque!!!
L'animatrice Jeanne est formidable!!!
Voici donc quelques photos!!!!! Il y a un solo et un duo avec Monique avec qui je me suis bien amusée!






























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19 septembre 2008 5 19 /09 /septembre /2008 10:59

 

Projet d'art-thérapie dans un centre de psychiatrie infanto-juvénile:

 

Expressions théâtrales:

 

Pour notre deuxième stage, nous retournons au centre du Bois Perrin à Rennes. Nous avons proposé d'élaborer un projet art-thérapeutique axé sur les expressions théâtrales. Nous n'utilisons pas le terme de théâtre, car il semble que ce terme prête à confusion. Lorsqu'on parle de théâtre, les personnes pensent immédiatement à des textes à apprendre et un spectacle de fin d'année. Or la mise en place d'un spectacle n'est pas une priorité en soi et , vu le contexte de ce stage, il ne peut y avoir de spectacle puisque nous effectuerons ce stage dans un unité de soins où les enfants ne restent que peu de temps.

 

Le contexte et les patients:

Nous effectuerons notre stage dans l'unité Antarès au sein du centre du Bois Perrin où y sont pris en charge des enfants et des adolescents de moins de 16 ans. Ceux-ci sont en situations de crises aigües ( passages à l'acte, agressivité, fugues répétées, troubles à traits psychotiques, tentatives de suicide, addictions..). L'hospitalisation y est brève, c'est à dire d'un maximum de deux mois et à temps plein. Les séances auront lieu chaque vendredi matin pour une durée de deux heures et ce dans une salle située au deuxième étage du bâtiment.

 

Les situations que nous seront amenées à rencontrer sont:

  • des syndrômes dépressifs, mal-être au sein d'une situation familiale compliquée ( avec parfois détection ou expression de la part du patient de comportements incestueux ou violents.

  • Pathologies du lien: rupture scolaire, sociale et/ou familiale.

  • Troubles de comportements:manque de concentrtion, enfants rapides.

  • Délinquance, violence.

  • Débuts de pathologies psychiatriques telles que les troubles bipolaires.

  • Anorexie.

  • Conduites addictives.

 

De là, se dégagent plusieurs problématiques inhérentes à ces situations:

  • Une mésestime/ dévalorisation de soi.

  • Un manque de prise de distance.

  • Un manque de liens.

  • Des difficultés à entrer en relation avec l'autre et avec soi-même.

  • Des problèmes de limites ( quelles soient corporelles, ou spatio-temporelles).

  • Des difficultés à travailler en groupe,à s'y intégrer.

  • Une nécessité d'être dans un cadre rassurant à respecter.

  • Une inhibition de l'imaginaire et du plaisir de jouer.

 

 

Expressions théâtrales:

Notre sujet de mémoire ayant changé au profit de la thématique de la place de l'art-thérapie dans le cadre de prises en charge courtes à groupes ouverts, nous avons voulu confronter deux médias fort différents: le premier était le récup'art, le deuxième sera l'expression théâtrale.

Nous souhaitons utiliser ,pour une grande part, les techniques élaborées ou améliorées par Augusto Boal.

Augusto Boal, né en 1931 à Rio de Janeiro est dramaturge, écrivain, metteur es scène, homme de théâtre et homme politique. Il développe diverses techniques et types de théâtre: théâtre de l'opprimé, théâtre-image, théâtre-forum et s'intéresse dès 1981 au théâtre thérapeutique. Il est également l'instigateur du théâtre législatif ( 1992).

Augusto Boal dit: «  Dans le théâtre de l'opprimé, il faut montrer que les choses ne sont pas, qu'elles sont en train d'être. Rien n'est, tout est en train d'être. » Ce qui fait un surprenant parallèle avec la problématique de l'adolescent: être en devenir, en pleine transformation: il est en train de...

Nous nous inspirerons des divers exercices pour acteurs et non-acteurs qu'il a mis en place. En effet, il nous est apparu que ceux-ci permettent à l'enfant, progressivement et tout en s'amusant,

  • de mieux maîtriser son corps ( meilleure expression corporelle),

  • de respecter le cadre ( aussi bien scénique que art-thérapeutique),

  • de respecter ses partenaires, amélioration des troubles de la relation,

  • de lâcher-prise,

  • de retrouver confiance en soi,

  • de restaurer l'affectif, la communication verbale,

  • de développer l'imaginaire,

  • de redécouvrir le plaisir de jouer,

  • de dédramatiser.

Sans oublier que l'improvisation théâtrale demande à être attentif aux différentes informations, à tenir compte de ses ressentis, de ses partenaires et de l'univers qui émerge pour aller à le rencontre de l'autre. Ce qui, là aussi, entre pleinement dans les problématiques rencontrées par ces jeunes.

Les enfants auront tour à tour à être acteurs et spectateurs, car « Il est aussi important de jouer que de voir jouer » ( Winnicott).

La notion de jeu est ici importante tout autant que celle d'aire intermédiaire: la scène est cet espace intermédiaire winnicottien qui se trouve entre l'extérieur et l'intérieur, entre la réalité psychique et la réalité externe, là où peut se développer la créativité et le jeu. C'est « le va-et-vient entre fiction et réalité qui apporte la preuve au patient, à l'intérieur du jeu, qu'il lui est possible, tout comme au thérapeute, de supporter l'angoisse, la folie et le désespoir » ( Patricia Attigui).

 

Quand le « cadavre exquis » fait le lien:

Il nous paraissait important de consituer un lien entre les séances et les différents enfants de passage dans l'atelier d'art-thérapie. Nous proposons l'élaboration d'un recueil de courtes pièces de théâtre par le biais du « cadavre exquis », recueil qui sera écrit par les différents patients au fil des séances. Une pièce sera peut être écrite en une séance d'autres en plusieurs séances; ceci nous permettant de garder un fil conducteur, un lien entre tous les enfants passés et à venir.

Le « cadavre exquis » est un jeu collectif inventé par les surréalistes vers 1925. Ce jeu consiste à composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes sans que celles-ci ne puissent savoir ce que le précédent à écrit. Il y a plusieurs variantes de ce jeu et deux ont retenu toute notre attention:

  • Un enfant écrit une question et le suivant écrit la réponse sans savoir ce que le premier a demandé. ( ce qui pourrait donner de savoureux dialogues).

  • Un enfant écrit une première phrase, replie son papier et écrit le début d'une deuxième phrase. Le deuxième enfant continue cette phrase, replie son papier et écrit le début d'une autre phrase, ainsi de suite.

Pourquoi introduire le « cadavre exquis »? Parce qu'il nous semble que c'est un moyen très ludique d'écrire, qu'il fait entrer le hasard comme moyen d'inspiration; ce qui peut permettre aux enfants venant dans nos ateliers d'accéder plus facilement au lâcher-prise, de se laisser aller à leur imaginaire. André Breton a dit: « (...) Avec le cadavre exquis on a enfin disposé d'un moyen infaillible de mettre l'esprit critique en vacances et de pleinement libérer l'activité métaphorique de l'esprit ». Il nous semble que par ce biais pourront se cotoyer l'humour et la poésie: deux champs qui sont parfois absents ou inhibés dans la vie de nos jeunes patients.

 

 

Le déroulement des séances:

  • Le temps d'accueil: présentation des différentes personnes présentes, des règles, des objectifs.

  • Le temps d'expressions théâtrales: avec échauffement corporel et vocal, travail sur l'espace, la rythmique, les sensations, des jeux « aveugles » ( où personne ne voit ou seulement quelques uns, des jeux de statues ( qui peuvent évoluer dans le sens de courtes scènes de théâtre-image), grommelot, mimes, masques ( élaborés par les patients), improvisations...

  • Le temps du cadavre exquis: élaboration, à plusieurs, de courtes pièces de théâtre avec la technique du cadavre exquis sur le thème de la séance ou sur un thème proposé par les patients. Ces courtes pièces seront ensuite taper à l'ordinateur pour être insérer dans le recueil. Les enfants pourront également illustrer ce recueil.

 

 

Ce projet nous semble rassembler la majorité des problématiques que les jeunes rencontrent. Nous ferons un premier bilan des séances d'art-thérapie après 6 ou 7 séances et éventuellement nous pourrons ajuster notre projet en fonction des difficultés rencontrées.

 

Stéphanie Carvalho-Périchaud.

Cursus par correspondance, 3ème année.

 

Jeux pour acteurs et non-acteurs, Augusto Boal.

L'art-thérapie, Jean Rodriguez et Geoffroy Troll.

Créativité et art-thérapie en psychiatrie, P. Moron, J.L. Sudres, G. Roux.

De l'illusion théâtrale à l'espace thérapeutique, Patricia Attigui.

Www.wikipedia.fr

 

 

 

 

 

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4 septembre 2008 4 04 /09 /septembre /2008 18:04
Je ne vais pas raconter tout de suite ce stage de clown, le 4ème avec "artclown"..en effet, il y a des choses à digérer dans tout ça. C'est fou ce que le clown peut mobiliser d'affects...et puis on apprend beaucoup sur soi..reste que parfois, c'est dur à avaler..il y a aussi le fait, de se rendre compte que l'on encore pas mal de choses à régler avec soi-même...Je vais donc bien sûr continuer à appronfondir mon clown, c'est certain, mais il me semble qu'un petit stage de développement personnel par le théâtre va me faire le plus grand bien pour cracher ce qu'il y a à cracher et laisser venir complètement mon clown..
En attendant que j'écrive ce qu'il s'est passé pendant ce stage voici quelques photos....


Là c'est Ingrid et moi...elle a un super clown qui me fait mourir de rire..elle n'a rien besoin de faire: une apparition sur la scène et on rit!!!!




















Ici, c'est Pat et moi...elle a une bonne tête de clown..elle aussi: une apparition et on se marre..un pur moment de bonheur.

















Faut quand même que je remercie Chantal d'artclown....parce que vraiment son aura zen et sa présence me font un bien incroyable à chaque fois...Alors merci!!!!!!
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21 août 2008 4 21 /08 /août /2008 12:29
Nous organisons une exposition le samedi 6 et dimanche 7 septembre 08. Claire Nicolas est art-thérapeute à Rennes; Anne Ruesche est psychologue à Chateaubriant; et moi-même qui suis étudiante en art-thérapie et auxiliaire socio-éducative à Rennes. Nous sommes toutes les trois peintres au style riche et varié. Pour agrémenter le vernissage, nous avons invité des musiciens de jazz et de bossa nova, qui joueront le samedi soir lors du vernissage. Un couscous sera également préparé pour l'occasion (payant). Julie Gérard viendra également proposé une démonstration de massages assis ( AMA, technique japonnaise) qui seront également payant ( mais pas chers!!!!).
Alors venez nombreux!!!!!!

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9 juillet 2008 3 09 /07 /juillet /2008 21:02

 

ATELIER DE THEATRE AU SENEGAL

 

 

Le onze octobre 2002, j’atterris à Dakar. L’aventure promet d’être extraordinaire : en effet, j’arrive dans un pays nouveau où les us et coutumes sont complètement différents de la France, et je vais travailler dans une association pour les personnes handicapées mentales. J’ai proposé à la directrice de créer un atelier de théâtre.

Trois jours après mon arrivée, je rencontre toute l’équipe pédagogique qui est essentiellement composée de sénégalais ; seule la directrice et une stagiaire sont françaises. Après les présentations, j’expose mon projet au reste de l’équipe ainsi que les retombées que le théâtre peut avoir sur leurs élèves. Là, je ne vois que des mines dubitatives ; dans leurs yeux se lisent la perplexité et l’incrédulité. Un me dit que c’est impossible de faire du théâtre avec ce genre de public… j’ai de toutes façons toute l’année scolaire pour leur prouver le contraire et même si intérieurement je tremble, je reste stoïque… et persuadée de la capacité de leurs élèves à faire du théâtre…

Une semaine plus tard, je rencontre enfin les élèves de l’association ESTEL (Education Spécialisée et Techniques d’Expression et de Loisirs). Les pathologies les plus courantes sont l’autisme et la trisomie. L’école est composée de trois classes qui correspondent chacune à un degré d’autonomie. Je décide que le mieux serait de mélanger des élèves de chaque classe. Pendant les trois premiers mois, je tourne dans les classes et aide les éducateurs dans leurs cours (numération, écriture, sport, arts plastiques, maraîchage, musique, conte, céramique…). Cela me permet d’observer chaque élève et de distinguer ceux qui pourraient le mieux s’intégrer dans l’atelier de théâtre. Puis, je décide de rester dans la classe où le degré d’autonomie est le plus élevé car donner des cours m’intéresse vivement. Nous sommes trois éducateurs dans cette classe : nous préparons le programme pour chaque trimestre dans toutes les matières et nous faisons des rapports sur chaque élève trimestriellement. Nous allons également à la rencontre de parents deux fois dans l’année (cela nous permet de voir leur cadre de vie, de savoir quel est leur comportement à la maison et de faire un bilan de leurs avancées).

Au mois de janvier a eu lieu la première séance de théâtre… j’ai le trac. J’ai choisi sept élèves provenant des trois classes et dont l’âge varie de sept à quarante ans (il faut savoir que l’association ESTEL est la seule structure scolaire spécialisée du Sénégal à prendre en charge des personnes handicapées mentales au-delà de l’âge de douze ans). Les élèves sont excités et bien curieux de savoir ce que c’est que le théâtre. C’est la première fois qu’ils en font. Nous disposons des nattes au sol et je demande aux élèves soit de s’asseoir en lotus soit de s’allonger. Je mets de la musique et leur demande de se détendre. Peu à peu, chaque élève se détend, se calme et plus rien ne bouge (la séance de relaxation dure cinq minutes). Je leur demande de se lever tout doucement. Ils sont plus calmes et plus à même de commencer un jeu d’occupation de l’espace. Ils doivent circuler dans toute la pièce dans tous les sens mais sans se toucher. Ils commencent très timidement, n’osant pas s’affirmer, ce qui fait qu’au bout de deux minutes j’ai sept élèves qui circulent à la queue leu leu !!! Là, il y a du travail mais ce n’est pas grave. Ce n’est que la première séance, on ne peut pas s’attendre à des miracles. Je mets fin à l’exercice et passe à autre chose. Je les dispose en cercle et nous faisons des vocalises : pour certains c’est un exercice difficile, notamment pour Awa Fatou et Ahmet qui n’ont pas accès à la parole. Mais je ne désespère pas, d’autant qu’ils se donnent du mal, nous finirons par y parvenir.

Nous passons à un tout autre exercice : nous allons jouer une scène très courte. Un roi, une reine, des sujets qui leur offrent des présents. Je pense qu’il vaut que chacun fasse à son tour le roi pour ne pas susciter de jalousie. Nous avons mis plusieurs chaises les unes sur les autres pour figurer le trône, un bâton pour le sceptre, du tissu pour la cape. La reine se tient debout auprès du trône, les sujets passent chacun leur tour pour donner leur présent après avoir fait la révérence. Awa et Ahmet qui sont les plus jeunes décident de passer ensemble (je laisse faire). Ils font leur révérence et offrent après l’assentiment du roi leur cadeau. Mais le roi refuse (une improvisation, je suis ravie). Se passe alors quelque chose d’inimaginable, les deux acolytes mettent une claque au roi. Je suis inquiète car Osman qui tient le rôle du roi est un autiste violent. Mais au lieu de s’énerver il demande à d’autres sujets de mettre Ahmet et Awa dehors. Soulagement : il semble évident qu’Osman a compris la différence entre la réalité et le jeu. On échange les rôles. Le reste est beaucoup plus calme. Pas vraiment d’improvisation (Sauf pour Astou qui a le rôle de la reine : elle s’amuse à dire des bêtises à l’oreille du roi ce qui provoque des crises d’hilarité). Nous terminons la séance par de la relaxation avec massage facial.

Après cette première séance, les éducateurs sont déjà beaucoup moins incrédules mais il reste du chemin à faire. Je pense notamment au fait que mis à part Awa et Ahmet qui ont su exprimer le peu de cas qu’ils font de l’autorité (cela se voyait aussi dans leurs relations avec leurs éducateurs), les élèves n’ont pas su s’exprimer ni s’affirmer.

Pendant deux mois, le jeu d’occupation de l’espace est un fiasco, toujours à la queue leu leu. Aucun n’arrive à prendre son propre chemin. Puis le déclic arrive : ils finissent par prendre chacun leur trajectoire sans se toucher : je peux leur demander d’aller plus vite ou plus lentement. Je peux réduire le temps de cet exercice pour en intégrer un autre. Le jeu du miroir : on se met deux par deux et chaque vis-à-vis doit prendre la même expression que l’autre. Je leur indique quelles expressions adopter. Au début, ce ne sont que crises de fous rires tandis que pour d’autres l’exercice est très difficile, surtout pour les autistes car il faut regarder la personne dans les yeux. Je n’ai pas pu faire évoluer l’exercice ; en effet, quand le miroir est acquis, je propose de faire le jeu du miroir contraire (chaque vis-à-vis fait l’expression contraire de l’autre). Mais ce n’est pas possible, trop difficile à faire, et je ne peux pas leur en demander plus. On continue à travailler  la scène du roi et de ses sujets. Par contre là, cela évolue bien : Awa et Ahmed sont de véritables moteurs de l’atelier. Lorsque je décide d’intégrer la musique à cette scène, c’est le bonheur : Awa et Ahmet ‘yaourts du rap’ : c’est l’hilarité générale. Nous venons juste de comprendre qu’Ahmet et Awa commencent à acquérir la parole. Les autres élèves prennent le relais. Ils jouent tant bien que mal du Djumbé et du Balafon. Osman évolue vite également, en effet il improvise de plus en plus. Il va même jusqu’à montrer aux autres comment on danse. Chacun commence à se sentir plus à l’aise dans le théâtre, à participer de plus en plus activement. Ce qui est devenu plus difficile, c’est de les arrêter pour que chacun puisse changer de rôle. J’ai voulu aussi faire évoluer la séance de relaxation. Mais cela s’est révélé impossible, car lorsque je leur demandais de visualiser la mer ou de s’imaginer qu’ils volaient, soit ils riaient soit ils commentaient : ce n’était pas un exercice adéquat.

Nous décidons de montrer aux parents de nos acteurs en herbe ce qu’ils ont appris à faire. Nous en parlons tout d’abord aux élèves qui sont immédiatement d’accord. C’est donc pendant la fête de fin d’année que les acteurs vont pouvoir montrer leur travail. Cette fois-ci, chacun aura un rôle bien défini. Osman est le roi, Astou la reine, Awa, Ahmet, Fatou, Diedou et Pascal sont les sujets. Les parents arrivent et les acteurs ne semblent pas du tout stressés. Nous installons les parents sur des chaises dans la cour alors que le préau sera notre scène. Nous frappons les trois coups et le show commence. Osman est fier comme un coq, il regarde ses sujets de haut. Les premiers sujets s’avancent avec des présents ; Astou dit une bêtise à l’oreille du roi qui s’esclaffe et accepte joyeusement les cadeaux. Puis s’avancent Awa et Ahmet qui se mettent debout sur des chaises (improvisation), font un salut pour le public, font la révérence au roi et à la reine, puis chantent du rap. Les parents frappent dans leurs mains, les acteurs dansent : la scène n’a pas duré mais elle a été intense. Il me faut toute ma patience pour arrêter les acteurs. Ce qui nous montre qu’ils n’ont pas acquis la notion de limite. Les parents sont ravis et étonnés de voir que leurs enfants peuvent être aussi autonomes et à l’aise sur une scène.

Je suis ravie de cette année scolaire avec eux. Ils ont su s’adapter à cette nouvelle activité, ont fait preuve de patience, de pugnacité et d’esprit d’improvisation. Ahmet et Awa ont pu accéder à la parole et sont donc passés dans la classe supérieure. Je suis parvenue à prouver au reste de l’équipe que leurs élèves ont plus de capacités qu’ils ne le pensent et que le théâtre a des effets thérapeutiques et extrêmement positifs sur leur évolution sociale et personnelle.

 

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9 juillet 2008 3 09 /07 /juillet /2008 20:58

 

UN AUTISTE

 

 

M. a dix ans lorsque je le rencontre pour la première fois. Il est autiste. Je me suis occupée de lui pendant deux ans à l’école (j’étais son institutrice), au théâtre et à la maison. J’étais en étroite collaboration avec ses parents, son orthophoniste et son éducatrice restée en France, à qui j’envoyais des rapports régulièrement.

 

A l’école :

C’était la première fois que M. allait être dans une classe sans AVS. Le stress était donc important : nouveau pays (le Sénégal), nouvelle école et nouvelle équipe pédagogique. Pour pallier ses angoisses, Mehdi a pris l’habitude d’écrire des pages entières de noms de héros de Walt Disney (son vocabulaire lui venait de là). Au début, je l’ai laissé faire puis petit à petit je l’ai amené à cesser cette activité, du moins en classe ; d’abord en impliquant le fait qu’il devait faire ses exercices pour pouvoir continuer ses listes, et finalement j’ai interdit les feuilles et l’écriture de ces listes. Son discours en fut moins interféré. En effet, « la fonction signifiante est détruite par un fonctionnement de signifiés absolument proliférant, c'est-à-dire que la collection de noms vient détruire la fonction du langage » (Théo Peeters). Avec les arrêts des listes, M. fut moins parasité dans son discours et donc plus cohérent. Il avait de grosses difficultés en mathématiques, surtout en résolution de problèmes, dus aux difficultés d’abstraction que rencontrent les autistes. Par contre, il excelle en français, il a une très bonne mémoire de l’orthographe des mots, et grâce à des affiches pleines de couleurs (l’orthophoniste m’ayant suggéré de jouer sur les couleurs), il a pu intégrer la majeure partie des règles de grammaire. Par contre, l’expression écrite est restée un vrai problème : quelque soit le sujet proposé, ses rédactions ont toutes trait à ses centres d’intérêt qui ont un caractère purement obsessionnels (les dauphins, les baleines, les scorpions, etc…). Son comportement est quasi exemplaire, mis à part quelques écarts que je punissais au même titre que les autres élèves, ne voulant pas marquer de différence. Les enfants l’aimaient bien et connaissaient sa pathologie car nous en avions parlé dans toutes les classes. Il avait une tendance à l’obsession et à la fusion dans son rapport à l’autre. Il s’attachait à une personne en particulier et ne voulait voir qu’elle. Il avait un réel besoin d’avoir et d’être un ami. Il ne fut jamais violent à l’école ce qui n’était pas le cas chez lui (ce problème fut réglé progressivement par la suite).

 

A la maison et au théâtre :

M. refoulait tellement ses pulsions agressives à l’école qu’il se déchargeait sur ses parents (violence physique et verbale). Au cours d’une de nos réunions, il fut convenu qu’il devait faire du sport, du tennis et de la boxe. Une des obsessions de cet enfant était les définitions des mots : il avait perçu qu’un mot pouvait avoir plusieurs significations et il était terrifié à l’idée de ne pas avoir tous les sens des mots. Il demandait sans cesse à ses parents « qu’est ce que ça veut dire… ? ». Voyant les parents dépassés, je leur proposais de renvoyer M. à son dictionnaire plutôt que de répondre à ses incessantes questions. Un autre problème ne fut jamais résolu avec M. : c’était sa tendance sadique à faire des brochettes avec les poissons vivants de son aquarium. Je lui donnais des cours de renforcement, l’emmenais à des expositions de peinture, au cinéma ou tout simplement prendre un verre. J’en profitais pour lui apprendre à demander poliment les prix et à payer (pour ce qui est de vérifier la monnaie qu’on lui rendait, c’était peine perdue, il ne pouvait pas additionner ou soustraire de tête : problème d’abstraction). Il se sociabilisa au contact des peintres et sportifs qu’il rencontrait. Au théâtre, il était au début souvent assis sur le bord d’un banc regardant les autres du coin de l’œil (très typiquement autistique). Il ne se prêtait que de mauvaise grâce aux exercices (surtout à celui du miroir ou encore de concentration mais aimait particulièrement faire des vocalises). Il avait le rôle d’un oiseau englué de pétrole dans la pièce de théâtre. Il ne sut jamais son texte, aussi bref était il. Par contre, il improvisa une gestuelle pertinente et pleine d’humour qui remplaçait très largement son texte. Je suis de l’avis d’Antonin Artaud lorsqu’il dit : « il semble que le langage des mots doive laisser la place au langage par signe dont l’aspect objectif est ce qui nous frappe immédiatement le mieux ». Et M. parvenait à cet objectif là. Mais ce qui m’a le plus surpris, c’est que le jour de la représentation au Théâtre National de Dakar, M. qui avait mémorisé l’ordre de passage de tous les acteurs (ils étaient trente), se mit à mettre les acteurs par ordre de passage, les réprimandant s’ils bougeaient de place. C’est un bon exemple de l’immuabilité qui prime chez les autistes ainsi que de l’excellente mémoire de cet enfant.

Le théâtre et la rencontre avec d’autres artistes ont aidé M. à se sociabiliser ainsi qu’à s’exprimer corporellement et donc à être plus libre dans ses gestes. Il évoluait dans un environnement très favorable : ses parents l’emmenaient partout, il était suivi par une équipe pluridisciplinaire en collaboration permanente. Au bout de ses deux années de prise en charge, M. pouvait avoir une conversation cohérente, n’était plus violent avec ses parents, et a pu intégrer l’école américaine de Dakar.

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