Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
4 juin 2009 4 04 /06 /juin /2009 13:01

 

Pour traiter du silence, nous allons nous appuyer sur un texte de Nicola Carels et du livre « le silence en psychanalyse » élaboré sous la direction de J-D. Nasio. Nous ferons également référence à D. Anzieu, Winnicott.

Nicole Carels étudie le silence selon 4 axes que nous reprendrons:1-silence et analité;2-silence et narcissisme;3-silence et créativité;4-silence du psychanalyste.

 

Silence et analité:

Rappelons d'abord ce que l'on peut entendre par analité; c'est àdire le stade anal. Dans « Vocabulaire de psychanalyse » de Laplanche et Pontalis, nous trouvons cette définition: « deuxième stade de l'évolution libidinale, selon Freud, qu'on peut aprroximativement situer entre 2 et 4 ans; il est caractérisé par une organisation de la libido sous le primat de la zone érogène anale; la relation d'objet est imprégnée de significations liées à la fonction de défécation ( expulsion-rétention) et à la valeur symbolique des fèces... » Nicole Carels souligne aussi qu'à cette phase aussi correspond aussi à la mise en place de représentationsde soi comme contenant et contenu. Bien évidemment, tout silence chez l'enfant ne peut être interprété que comme étant du domaine du pathologique. Cependant la description de ce qu'est le stade anal peut donner des pistes sur des silences de type «  rétention » ou même «de type « bavardages incessants ». On peut penser que les mots « prennent la place » des fèces et peuvent figurer les mauvais objets à expulser ou que l'on ne parvient pas à expulser ou encore ils figurent le bon objet que la personne cherche à protèger en le conservant en soi. D'ailleurs Robert Fliess dans un texte répertorié dans « le silence en psychanalyse » écrit: « L'activité de parler se substitue à l'activité des ouvertures du corps. Les mots, eux, deviennent des substituts de substances corporelles.. » Les mots qui représentent alors les fèces ont le pouvoir de détruire, d'attaquer l'autre, d'où un silence obstiné. On pourrait éventuellement voir dans le « bavardage incessant » le comble du manque, du manque de l'autre. ON peut très bien aussi considéré le « trop-parler » comme étant un manque de contenance si l'on suit l'idée que le stage anal permet les réprésentations de contenant/contenu. Dans ce paragraphe sur le silence et l'analité, Nicole Carels nous donne un exemple de prise en charge d'une patiente très silencieuse. Pour cette patiente, garder le silence, c'était pouvoir garder pour elle-même « son espace et son autonomie » face aux attaques extérieures ( notamment sa mère et sa grand-mère). Uu parallèle est fait d'ailleurs entre son silence et le fait que la grand-mère l'obligeait à manger et à déféquer dans un pot pour vérifier ce qu'elle avait en effet absorber ce qui eu pour effet qu'elle ne mangeait pas était du reste constipée. Au cours des séances, Nicole Crels s'aperçoit aussi du mal qu'a sa patiente à povoir rester silencieuse et seule en sa présence. Cela nous fait penser à la notion de « capacité à être seul » de Winnicott. Celui-ci distingue deux types de silence:

  • un état de silence où on est quand même en relation ou en communication avec soi-même et par voie de conséquence avec les autres.

  • Un silence où le sujet est coupé de lui-même avec un sentiment de vide et ce même en présence de la mère.

La capacité à être seul est un signe de bonne santé et de changement positif. La mère suffisamment bonne laisse à l'enfant la « place » nécessaire à cette capacité: alternance bien « mseurée » d'absence et de présence; rêverie maternelle. La mère laisse l'enfant jouer seul pour lui permettre de développer son imaginaire, d'être suel sans paniquer; ce qui apportera aussi à l'enfant d'avoir le sentiment d'exister.

On peut voir à la lumière de ce premier paragraphe que le silence peut être source d'angoisse de persécution, de perte de l'objet, d'attaque et de destruction de l'objet ainsi qu'une absence de contenance.

 

Silence et narcissisme:

Le silence du narcissique est une protection contre toute intrusion pouvant mettre à mal l'image idéalisée qu'il a de lui-même. Parler, dans ce cas, peut être assimilé à une hémorragie détruisant son pouvoir et le vidant complètement de sa substance. « La parole est disqualifiée en ce qu'elle est éventuellement porteuse d'un manque ou d'une demande dont la mise à jour serait une humilation intolérable ». Et plus loin, « L'indicible et l'irreprésentabe sont hautement valorisés et permettent de laisser caché un lien archaïque avec la mère, d'autant plus puissant que non dit et non représenté. Le silence devient alors le garant de l'immobilité (...) en dehors de tout mouvement vécu comme persécuteur. » Se pose bien évidemment le problème de la méthode psychanalytique en ce sens qu'elle demande à parler; c'est par ailleurs la question que s'est posé Smirnoff en 1976. Il faudrait donc avec ce type de patients penser la thérapie sur un autre mode et c'est tout naturellement que l'on pense à l'art-thérapie. En effet, là où la parole peut être considérée comme dangereuse, comme accompagnatrice du vide voire du « vidage », l'art-thérapie propose une toute autre médiation que la parole, comme la peinture, le collage, la sculpture. Mais même lors d'une théâtrothérapie, cette parole qui est dosée très justement avec le silence vient permettre une symbolisation qui « permet à l'absence, vécue comme vide, silence de mort, de devenir habitée. » il ne s'agit pas de briser ce silence qui n'est somme toute qu'une défense à une intrusion de l'autre ou plutôt des voix de l'autre, mais bien plutôt de préserver ces moments de silence qui sont autant d'assises « primordiales du Moi et du narcissime ».

Cette façon de concevoir le silence du narcissique peut aussi nous orienter sur les problèmes engendrés par une défaillance de l'enveloppe sonore, concept développé par Didier Anzieu dans « le Moi-peau ». « Parallèlement à l'établissement des frontières et des limites du Moi comme interface bidimmensionnelle étayée sur les sensations tactiles, se constitue le Soi par introjection de l'univers sonore.....les sensations auditives préparent le Soi à se structurer en prenant compte de la troisième dimension de l'espace ( orientation, distance) et de la dimension temporelle. » Anzieu donne à cette enveloppe sonore ( auditivo-phonique) une fonction de symbolisation. Le bain sonore précède la regard et celui-ci met en place un miroir sonore que l'enfant va utiliser avec le cri, les gazouillis puis les jeux phoniques. Par ailleurs, Didier Anzieu met l'accent sur le fait q'un dysfonctionnement du miroir-sonore peut engendrer dans les cas les plus sévères une schizophrénie. Si le dysfonctionnement provenant du « brouillage par la mère de la pensée logique de l'enfant par l'injonstion paradoxale et par la disqualification des énoncés émis par l'enfant sur lui-même » est de nature moins sévère, cela développerait des personnalités narcissiques. Il peut y avoir des problèmes de contenance et de contenu. L'exemple que nous donne Nicole Carels est très intéressant à ce niveau: une fillette de 8 ans n'ayant aucune limite et incapable d'être seule; d'un côté une mère laissant tout passer, de l'autre un père qui règle tout « à la baguette ». Le cadre a du être très strictement fixé par N. Carels ce qui a permis à la fillette de structurer et de reprendre confiance en elle, de retrouver une certaine estime d'elle-même également. La fillette a pu aussi révéler un secret qui pour être reconnu comme secret qu'elle doit garder pour elle a pu être vidé de l'importance de son contenu. «  Plus que le contenu du secret , c'est le fait de le détenir qui est en jeu chez cette fillette, pour mesurer son pouvoir sur l'autre, mais surtout pour garder intègre en elle cette part constituante de soi,ce qui permet d'en préciser les limites et d'en renforcer la cohérence. »

 

Silence et créativité:

Dans ce paragraphe, Nicole Carels considère le silence comme « espace potentiel de création et agent de créativité ». Ce que confirme Winnicott avec son concept de « capacité à être seul » dont nous avons parlé plus haut. Dans « Créativité et art-thérapie en psychiatrie », les auteurs donnent une valeur de créativité au silence mais aussi de communication et de développement du jeu des indentifications : «  le silence ou plutôt les silences, permettent à l'enfant comme à son thérapeute d'aller d'une pensée à l'autre, d'un dessin à l'autre, d'un autre à un autre, et donc par le jeu des identifications, l'enfant continue de se construire. » On retrouve ici la capacité de la mère suffisamment bonne de laisser son enfant jouer seul. Dans nos ateliers d'art-thérapie nous laisson le patient s'exprimer librement; mais cette liberté inclut également la liberté de se taire, comprenant que le silence n'est pas absence de communication. Dans les textes «  ma reconnaissance à Sophie Morgenstern » de Françoise Dolto et « un cas de mutisme psychogène » de Sophie Morgenstern, nous pouvons toute la valeur du silence dans la thérapie. En effet, Sophie Moregenstern, ne brisant pas le silence, gardant le silence dans un écoute attentive du silence de l'autre, laisse l'enfant s'exprimer par le dessin . La parole viendra plus tard. Le silence à ce moment fait acte. «  Créer chez l'enfant en particulier, permet de faire surgir une parole, et le silence a parfois cette valeur qui permet à l'acte de surgir.. » ( Créativité et art-thérapie en psychiatrie.). Ou encore «  Ecouter les interstices, c'est permettre à l'enfant de créer en trouvant et non de faire pour faire ». Les conflits inconscients, que ce soit la castration ou l'oedipe, ne peuvent parfois pas s'exprimer par la parole ( la langue coupée dont parle Sophie Morgenstern par exemple) mais plutôt d'une façon plus symbolique comme le dessin. Ne pas laisser la liberté de garder le silence, de garder pour soi ses pensées et donc de penser menace l'existence du Je. C'est ce que montre aussi un des exemples de Nicole Carels où une mère par trop intrusive, ne veut pas que sa fille n'ait de secrets pour elle à condition seulement de ne pas lui parler de ses souffrances. L'autre est exclu du discours, on ne lui donne pas le droit de penser ni le droit de s'expimer. Voilà ce qu'écrit Piera Aulagnier: «  S'il est vrai que (..) la possibilité de fanstasmer présuppose celle de garder secrètes ses pensées, la perte du droit au secret comporterait, à côté d'un « trop » à refouler, un « en moins » à penser: deux éventualités qui risquent de rendre tout aussi impossible l'activité de penser, et par là, l'existence du Je ». Le silence est donc un espace où la liberté psychique peut se développer ainsi que la créativité.

 

Le silence du psychanalyste; la relation thérapeutique:

Nicole carels commence par souligner l'importance aussi bien du silence que de la parole dans la relation thérapeutique et ce pour les deux parties anlyste/analysant. Le silence du thérapeute est alors à considérer comme le creuset de l'écoute flottante, de l'association libre: ce n'est pas le désert de parole, bien au contraire: la parole et le silence de l'autre s'y inscrivent. Viderman dit «  le silence n'a de sens ni de valeur que si l'on en sort ». dans le sens où l'interprétation vient apporter un nouveau sens au discours de l'analysant. Dans la relation thérapeutique, dans le silence, le thérapeute et l'analysant font l'expérience du non-savoir, de l'ignorance, de la parole tue, pas encore prononcée mais à venir. Il y a du corps aussi dans dans la cure analytique, tout comme dans l'atelier d'art-thérapie. « Que l'analyste parle ou se taise, son corps répond toujours. Le silence de sl'analyste convoque un Sujet Supposé Sacoir que l'analysant va rencontrer à toutes les places imaginaires; c'est la mise en place du transfert....Pourtant ce que l'analyste ne sait pas, son corps dans son éprouvé témoigne qu'il n'est pas sans savoir. » ( Liliane Zolty, le psychanalyste à l'écoute du silence.). L'analysant se sépare d'une partie de son corps, de l'objet intérieur pour le « déposer » dans le corps de l'analyste. Et c'est dans ce « dialogue silencieux » que l'analyste va pouvoir énoncer une parole vraie pour les deux parties. Sans oublier que dans ce silence partagé, les deux inconscients se rejoignent, créant le transfert, le contre-transfert, des identifications. Nous sommes bien dans la communication qui se fait dans le creux du silence lui-même chargé «  de tensions pulsionnelles ».

Comme le dit très bien A. Green: «  silence de quel analyste, derrière quel analysant, à quelle séance et à quelle phase de l'analyse? »Il est certain que les scansions de silence/interprétation dépendent également du patient qui est en cure: comme nous l'avons vu plus haut est-il vraiment adéquat de « faire parler » le narcissique alors que l'on garde le silence? Tout individu ne peut supporter le silence ni même son propre silence. Il convient donc en psychanalyse tout comme en art-thérapie de doser la parole, le silence, de ne pas s'enfermer dans une « technique «  qui peut se montrer sclérosante.

 

Conclusions:

Le silence, comme nous l'avons vu, est aussi communication. Il y a bien entendu d'autres valeurs du silence que nous n'avons pas énoncées telles celles de l'ennui, de l'inquiétude ou du désespoir, car tel n'était pas notre propos. Néanmoins, nous souhaitons dans cette conclusion insister sur le fait que le silence est toujous lié à la parole, au cri également ( comme le démontre Didier Anzieu dans « Le Moi-peau »). D'ailleurs le cri, pour Lacan, fait trou et fait donc le parallèle entre voix/silence et objet a, objet cause du désir. Puisque silence et parole sont indissociables, l'appareil ou plutôt l'objet permettant cette parole, la voix est à classer, selon Lacan, dans les objest cause du désir.

Du côté de l'analyste, le silence permet l'association libre, la rêverie, favorise « le déploiement des affects, des représentations ».

Du côté de l'analysant, le silence peut avoir valeur de créativité, de re-découverte de la liberté de penser, de la perlaboration mais aussi de résistance, de défense, d'immobilisme.

 

Stéphanie Carvalho

4ème année, cursus par correspondance.

 

Www.revue.psychanalyse.be/50e.html

Le Moi-Peau, Didier Anzieu.

Le silence en psychanalyse, sous la direction de J-D. Nasio.

Jeu et réalité, D.W. Winnicott.

Créativité et art-thérapie en psychiatrie, P. Moron, J.L. Sudres, G. Roux.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires